Interview : Nicolas Nebot et Dominique Mattei parlent de « Jules Verne » (Partie 1)

Temps de lecture approx. 12 min.

Le Voyage Extraordinaire de Jules VerneA l’occasion de la création du spectacle Le Voyage Extraordinaire de Jules Verne, les auteurs Nicolas Nebot et Dominique Mattei (plus connu sous le nom de Dumè) nous ont reçu au plein coeur des premières répétitions. Dans cette première partie d’interview, les deux auteurs sont revenus sur la genèse du spectacle et ont abordé une de ses spécificités, l’utilisation des marionnettes.

Musical Avenue : Pourquoi avoir choisi d’adapter Jules Verne en comédie musicale ?

Nicolas Nebot : En fait on a voulu mettre sur scène ce qu’on avait envie de voir. On aime tous les deux beaucoup la science-fiction. Et on voulait faire un spectacle, ça fait des années qu’on travaille ensemble, qu’on écrit ensemble des chansons pour différents artistes ou pour des spectacles. On a déjà fait plusieurs créations avant Jules Verne, mais c’est le premier qui va sortir. On en a d’autres qui sortiront peut-être après, on espère. Nous, quand on écrit, on écrit quelque chose qui nous plaît. Et en fait Jules Verne, c’est d’abord l’auteur le plus lu dans le monde, il se départage avec Agatha Christie. Mais surtout c’est le papa de la science-fiction moderne, et nous on aime ça. Quand on a eu un déboire avec un autre spectacle qu’on a écrit mais qui n’a pas pu être monté, on s’est dit  »Faisons autre chose ». On est allé au rayon livres de la Fnac, lui il avait Le tour du monde en 80 jours dans les mains et moi 20 000 lieux sous les mers. On se disait  »Attends, c’est pas mal ! ». Et tout à coup on a pris Voyage au centre de la terre, et là on s’est dit  »Mais le lien, c’est Jules Verne ! ». Est-ce qu’on ne peut pas écrire une histoire originale, qui pourrait aller puiser dans cet univers qui est extrêmement riche ? Et c’est ce qu’on a fait. Juste après, lui il a son studio qui est juste à côté de la Fnac des Ternes, on est allé chez lui. On a commencé à griffonner, il s’est mis au piano, on a cherché deux/trois idées. On a trouvé une idée qui était de se dire : "Et si… il existait une planète sur laquelle vivaient tous les personnages de tous les contes du monde entier ? Et si sur cette planète dès que quelqu’un raconte une histoire, ces personnages apparaissaient ?" C’était le point de départ.

Dominique Mattei (Dumè) : Un peu comme une archive. C’est à dire l’archive du conte, où les personnages vont y vivre.

N.N : Dumè s’est mis au piano, il a trouvé un thème, qu’on a gardé dans le spectacle, qui est devenu le thème du Capitaine Némo. Et moi j’ai développé cette idée de la fameuse étoile qu’on a appelé l’étoile Leolam. Une étoile sur laquelle vivent tous les personnages de tous les contes du monde entier. Ils en sont prisonniers, sauf quand on raconte une histoire, ils arrivent, ils se matérialisent grâce à l’histoire qui est racontée, et si jamais on arrête de raconter leurs histoires, ils demeurent à jamais emprisonnés sur Leolam et c’est terminé pour eux. Et donc on a trouvé qu’à partir de là on avait une petite base dramatique, on a donc écrit un livret avant de commencer à faire quoi que ce soit. On s’est dit : "quel peut être le lien entre cette étoile et Jules Verne ?" C’était assez simple, vu que Jules Verne est l’un des auteurs français les plus prolifiques, il a plein de personnages, plein d’histoires. On s’est dit que forcément, c’est Jules Verne qui a peuplé cette étoile. On est donc parti de Jules Verne enfant. Imaginons quelle pouvait être la vie de Jules Verne quand il était petit et qu’il racontait des histoires à son frère et à sa sœur le soir pour les endormir. Jules Verne, ça c’est vrai, avait un petit frère qui s’appelait Paul et une petite sœur qui s’appelait Anna. En vrai ils étaient cinq dans la fratries mais on a décidé de se concentrer sur ces trois personnages là, Jules, Paul et Anna. Et on s’est dit : "Quelles pouvaient être les soirées dans la chambre de Jules Verne, qu’est-ce qu’il pouvait bien leur raconter ?" Et on est parti sur cette histoire du capitaine Némo, qui était peut être, d’après nous, la première histoire qu’il a pu inventer. Et on s’est demandé, en relisant 20 000 lieux sous les mers, quel pouvait être le brouillon du capitaine Némo. Comment a-t-il pu imaginer le capitaine Némo, avant d’écrire son roman 20 000 lieux sous les mers ? On s’est dit que le capitaine Némo, à l’époque où Jules avait douze ans, peut-être que c’était un homme très triste parce que des pirates avaient kidnappé sa femme et sa fille et qu’il était sous les mers en quête de les retrouver. Et on avait un deuxième élément dramatique qui était le but du méchant. C’est-à-dire que nous on aime pas les méchants gratuits, on voulait un méchant qui ait un but. Troisième point dramatique : Jules, qui raconte des histoires tous les soirs à son frère et à sa sœur pour les endormir, doit partir demain au pensionnat, pour apprendre à devenir un juriste, comme son père avant lui et comme le père de son père. Le seul problème, c’est que si Jules part au pensionnat et qu’il arrête de raconter des histoires à son frère et à sa sœur, qu’est-ce qui va arriver à Némo, qui ne pourra plus retrouver sa femme et sa fille qui resteront coincées sur l’étoile Leolam ? Donc là on avait la base de notre histoire et on s’est dit, développons, faisons intervenir d’autres personnages et on verra. Après on ne va pas vous raconter la suite, j’espère que vous viendrez voir le spectacle (Rires). Une fois qu’on a eu cette petite bribe de livret, qu’on a continué à développer au fur et à mesure, qui est toujours en écriture d’ailleurs, on s’est enfermés pendant quelques mois et on a commencé à écrire des chansons. Et la particularité de ces chansons, c’est qu’il est hors de question pour nous de faire des chansons qui soient des tubes, ou des singles. On écrit toujours des chansons qui collent à une histoire. Donc on prend un passage du livret, par exemple le moment où Jules raconte 20 000 lieux sous les mers à son frère et à sa sœur. Dumè est au piano, moi je suis derrière mon ordinateur et on écrit ensemble. C’est comme ça que ça se passe, et c’est comme ça qu’est né le projet Jules Verne il y a trois ans maintenant et on a travaillé d’arrache-pied pendant trois ans pour arriver aujourd’hui à être sur scène en octobre.

D.M : Le fait d’être deux du coup, ça prend plus de temps. Évidemment si tu es à quinze compositeurs et dix-huit auteurs, je ne suis pas sûr que ça donne quelque chose de toujours très bien, mais en tous cas ça va plus vite. Après c’est un choix.

N.B : C’est un projet d’auteur/compositeur, c’est-à-dire que c’est notre idée à la base. Après il a fallu une production, qu’on trouve une équipe, un metteur en scène, des artistes, un chorégraphe… Donc tout ça fait que ça peut prendre du temps.

Musical Avenue : Vous êtes actuellement en atelier de répétitions avec les comédiens. Quand les avez-vous commencés ?

N.N : Les ateliers de répétitions avec les marionnettes ont commencé lundi [NDLR : l’interview s’est déroulée le mercredi 24 juin]. Parce qu’il y a un autre point important. Dans notre histoire on a trois personnages principaux, Jules, Paul et Anna, et ces trois enfants évoluent dans un monde imaginaire avec des personnages imaginaires et on s’est dit à la base de la création, qu’il serait intéressant que les trois personnages réels soient représentés par des marionnettes et les personnages imaginaires par des humains. Donc, on a cherché pendant plus d’un an avec Rabah (Aliouane), notre metteur en scène, une équipe qui pourrait créer des marionnettes et des marionnettes hybrides qui soient d’un genre nouveau. Donc on a vu des gens à Londres notamment, vu que Rabah a travaillé sur Le Roi Lion, à Paris et à Londres, et finalement la personne qui nous a fait les choses les plus bluffantes c’est une personne qui s’appelle Einat Landais, qui est facteur de marionnettes. Elle a donc conçu et fabriqué ces marionnettes, et elle a également formé les comédiens pendant trois jours à la manipulation. Donc on a ces trois enfants, et on a aussi un dinosaure, grandeur nature, qui s’appelle Dina, une femelle qui ne supporte pas qu’on dise  »le dino » et qui est interprétée par Solèn (Shawen).

Musical Avenue : Comment les comédiens s’en sortent avec les marionnettes ? Êtes- vous satisfait du résultat ?

N.N : On est assez content. On aurait pu être déçu, on avait peur de ça. Mais on est ravi. On arrive à se projeter car on les a vu bouger. La marionnette, elle vit par le regard, et dès que les comédiens commencent à l’animer, à la faire regarder et à la faire parler, c’est incroyable.

D.M : En deux jours, c’est hallucinant la vie qu’elles ont pris. On est venu avant-hier pour la première séance, on est repassé toute à l’heure, la première choses que j’ai dit aux chanteurs c’est  »Vous vous rendez compte comment tout à coup vos marionnettes ont pris vie ? » et ils me disent  »Non, nous on ne voit pas, on est là, on est en plein dedans".’ Ils n’ont pas encore le recul des choses et je crois que quand tu manipules une marionnette comme ça tu ne te rends pas vraiment compte, c’est qu’au moment où on va te filmer que tu vas de dire  »Ah ouais c’est dingue ! ».

N.N : Ils voient en fait ce que les autres leurs renvoient. Ils sont trois, donc ils voient l’autre, vu que c’est quand même un jeu de comédiens avec une interaction. Parce que c’est une vraie comédie musicale avec des chansons mais aussi avec un livret, il y a au moins autant de scènes, de dialogues que de chansons. Là ils s’entraînent avec des dialogues, alors effectivement c’est compliqué, ce qui est dur aussi c’est de se mettre en recul, de mettre la marionnette en avant, c’est un vrai travail, et je suis convaincu, en ayant vu ce qu’on a vu, qu’en septembre/octobre on va avoir de très belles surprises. On commence les répétitions le 1er septembre et on arrive sur scène à Mogador le 2 octobre, après la première de Cats.

D.M : Et évidemment là ils ne sont que cinq/six, mais ils seront quinze sur scène. A partir du 1er septembre on a les quinze sur scène.

N.N : En fait Rabah a voulu faire un workshop de marionnettes pendant une semaine avant de commencer les répétitions.

D.M : Pour ne pas qu’ils arrivent au début des répétitions avec des marionnettes qu’ils n’ont jamais maniées, qu’ils soient complètement perdus dans des trucs qu’ils n’ont jamais fait. Et puis les faire travailler comme ça pendant une semaine, les faire digérer pendant plusieurs semaines derrières, et revenir, je crois que c’est intéressant parce que tu vas avoir le temps d’avoir du recul sur la chose. Je pense que le début des répétitions sera beaucoup plus facile pour eux avec cette semaine de travail.

Musical Avenue : L’histoire des marionnettes fait évidemment penser au Roi Lion, mais aussi à Avenue Q. Est-ce que vous avez cherché à reprendre des artistes qui avaient déjà joué dans ces spectacles et qui avait déjà l’habitude des marionnettes ?

N.N :
Absolument pas. L’axe principal était le chant et la comédie. On a fait un vrai casting, avec trois tours, qui a eu lieu à Mogador.

D.M : On a eu un monde fou d’ailleurs.

N.N : Avec ceux qu’on avait présélectionnés, Rabah a fait un atelier marionnettes, avec des petites marionnettes très simple, des espèces de chaussettes avec des yeux. Il les a tous testés pour voir si ils étaient capables d’avoir un regard, de projeter, de pouvoir faire vivre une chaussette et aussi de s’effacer derrière, et ceux qu’on a sélectionné avaient ces capacités. Puis il y a de la danse aussi, donc il fallait maîtriser le chant, la danse, la comédie et les marionnettes.

D.M :
Et c’était radical pour moi, parce que je m’occupe de la musique, je ne pouvais pas prendre quelqu’un qui savait bien diriger sa marionnette mais qui avait des lacunes en chant. Donc d’abord je voulais des chanteurs, capable d’interpréter correctement les chansons, voire même de les sublimer pour certains, mais je crois même pour tous. Et après à partir de là on a fait un travail, c’est ce qu’ils sont en train de faire d’ailleurs, un travail en profondeur pour essayer de travailler avec la marionnette. Parce que finalement jouer la comédie, chanter et s’occuper de sa marionnette, tout ça à gérer c’est quand même assez difficile et il faut prendre du temps. Donc non on avait pas spécialement envie d’aller vers des artistes ayant déjà cette expérience. Mais on a eu des gens du Roi Lion qui sont venus aux auditions.

N.N : D’ailleurs on a David Eguren qui était Zazou dans Le Roi Lion mais qui ne manipule pas. Il fait le capitaine Nemo et il n’a pas de marionnette. 

Crédit photos : Julien Vachon pour Musical Avenue

A suivre pour la suite de l’interview ! 


Le Voyage Extraordinaire de Jules Verne,  de Dominique Mattei et Nicolas Nebot

A partir du 17 octobre 2015
Au Théâtre Mogador

Livret, paroles et direction artistique : Nicolas Nebot ; Musique : Dominique Mattei ; Mise en scène et direction de casting : Rabah Aliouane ; Chorégraphie : Marc Forno ; Scénographie : Laura Léonard ; Costumes : Sami Bedioui ; Marionnettes : Einat Landais 

Avec : Joseph-Emmanuel Biscardi, David Eguren, Quentin Thébault, Alyzée Lalande, Julien Loko, Dan Menasche, Michel Lerousseau, Solèn Shawen, MTatiana, Manon Taris, Marina Pangos, Lucile Bourdon, Clémence Bouvier, Andros, Sébastien Valter

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