Critique : « American Idiot » à la salle Wilfrid-Pelletier de Montréal

Temps de lecture approx. 5 min.

Pas besoin de connaître par cœur les airs du groupe punk rock Green Day pour apprécier à sa juste valeur American Idiot qui a été présenté pour la première fois au Québec dans la vieille capitale et à Montréal ces derniers jours dans le cadre de sa tournée nord-américaine. Les thèmes abordés de colère et révolte sociale, mais également le besoin de trouver sa place dans la société ne laissent personne indifférent, surtout lorsqu’ils sont mis en scène dans une production aussi enlevante.

Basé sur l’album concept du même nom de Green Day sorti en 2004 et construit comme un opéra-rock, American Idiot s’intéresse aux destins de trois amis désillusionnés qui cherchent à donner un sens à leur vie dans une Amérique post-11 septembre. Will décide de rester aux côtés de sa petite amie enceinte, Tunny s’enrôle dans l’armée et Johnny quitte sa banlieue pour la ville où il rencontrera la fille de ses rêves tout en s’enfonçant dans l’enfer de la drogue sous la mauvaise influence de son nouvel ami et alter ego, St. Jimmy. C’est d’ailleurs du point de vue de Johnny qu’est construite toute l’histoire; Jared Nepute campant ce jeune antihéros en quête d’une vie meilleure avec une énergie débordante et beaucoup de charisme.

Sur fond d’une vingtaine d’écrans représentant bien la saturation médiatique à laquelle nous sommes confrontés, American Idiot touche à plus d’une corde sensible, véritable portrait d’une génération qui peine à sortir de l’aliénation ambiante et des rôles bien formatés à laquelle on la destine. La déprime, l’alcool et la drogue deviennent les paradis artificiels des personnages de la pièce, quand ils ne succombent pas à cette manipulation, comme le fait Tunny qui part à la guerre dans l’espoir de devenir un héros.

Sans aucun temps mort ni entracte, la pièce qui dure environ 90 minutes se démarque aussi visuellement avec ses nombreux effets d’éclairages et ses décors versatiles qui lui ont d’ailleurs valu des prix en 2010 aux Tony Awards. Le spectateur est sans cesse propulsé dans la tête des personnages et de leurs rêves, déceptions et solitudes. Les tableaux deviennent même souvent poétiques, comme lors du morceau "Extraordinary Girl" ou pendant "Wake Me Up When September Ends", comme une envolée lyrique à l’image de l’échappatoire tant convoitée par l’un ou l’autre des personnages.

Sans jamais s’embrouiller les pinceaux et nous faire perdre le fil narratif, American Idiot superpose aussi à quelques reprises les scènes, avec trois actions différentes à la fois; ce qui accentue d’autant plus la force de certains airs, comme une apothéose d’émotions où la frustration des personnages explose d’autant plus. Une dizaine d’interprètes accompagnent également les trois protagonistes principaux dans la plupart des numéros avec des chorégraphies atypiques, en parfait accord avec la musique de rébellion de Green Day qui ne se prête pas forcément à la base à des pas et figures de danse spécifiques. Un défi de taille réalisé avec brio pour donner une cohérence au spectacle qui se fait sans anicroche et de manière naturelle, comme si rien n’avait été calculé.

Quant au trio masculin au cœur de l’histoire, Jared Nepute (Johnny), Casey O’Farrell (Will) et Dan Tracy (Tunny) chantent tous avec beaucoup de sincérité et de vigueur, chacun se donnant à fond pour représenter la détresse de l’un ou l’autre de leurs personnages. Leurs copines Mariah MacFarlane (Heather) et Olivia Puckett (Whatsername) ont pour leur part de très belles voix, sans oublier Daniel C. Jackson, convaincant dans le rôle du vilain St. Jimmy.

Spontanée, émouvante, troublante, saisissante…plusieurs adjectifs pourraient convenir à cette comédie musicale qui fait assurément partie des meilleures à avoir été présentée dans la métropole québécoise ces dernières années !


American Idiot de Green Day (musique), Billie Joe Armstrong (paroles et livret) et Michael Mayer (livret)

Le 4 et 5 janvier 2014 à la salle Wilfrid-Peller de Montréal

Une présentation d’evenko

Avec: Jared Nepute, Dan Tracy, Casey O’Farrell, Mariah MacFarlane, Olivia Puckett, Daniel C. Jackson, Taylor Jones, Alex Boniello, Liam Fennecken, Sean Garner, Francesca Granell, Antwaun Holley, Andrew Humann, Alison Morooney, Johnny Newcomb, Michael Pilato, Eric Presnall, Turner Rouse Jr., Josephine Spada, Chelsea Turbin.

Chorégraphies: Stephen Hoggett ; Décor: Christine Jones ; Costumes: Andrea Lauer ; Éclairages: Kevin Adams ; Superviseur musical : Jared Stein.

Musiciens: Evan Jay Newman, David Abrams, Diego Rojas, Josh Sebo, Ben Marino.

Nathalie Katinakis

Nathalie Katinakis

Bercée par les tubes de "Starmania" durant l'enfance, c'est "Cats" qui me donne la piqûre pour de bon quand je me plonge enfin dans son univers en 2010. Dans la foulée, je découvre le West End et rejoins l'équipe de Musical Avenue dès 2011, couvrant les spectacles montréalais depuis le Québec où je réside.FB/IG:@uneportesurdeuxcontinents
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