Interview de Claire Diterzi à l'occasion de "Rosa la Rouge" – Partie II

Temps de lecture approx. 8 min.

Claire Diterzi dans Rosa la Rouge

A partir du 2 novembre, la chanteuse Claire Diterzi jouera sur la scène du théâtre Silvia Monfort à Paris le spectacle Rosa la Rouge, qu’elle a écrit et composé et dont Marcial Di Fonzo Bo a signé la mise en scène. Dans la première partie de l’interview, Claire Diterzi nous a parlé de la genèse du spectacle et de sa vision de Rosa Luxembourg.
Nous évoquons maintenant avec elle son statut d’artiste, ses projets, en passant par la polémique déclenchée suite à son admission à la Villa Médicis.

En juin dernier, vous avez été récompensée par le Syndicat de la Critique Théâtre, Musique et Danse en tant que meilleur compositeur de musique de scène pour Rosa la rouge. Avoir la reconnaissance du métier pour un projet si ambitieux, c’était important pour vous ?



Bien sûr, surtout que je ne savais pas trop ce que c’était (rires). J’ai appelé Marcial (di Fonzo Bo – ndlr), qui m’a dit que c’était quand même un prix assez prestigieux et puis, on est allé tous les deux le chercher en juin. C’était quand même une petite forme de consécration car je prenais le prix aux côtés d’Ariane Mnouchkine, Stanislas Nordey. Il y avait quand même du beau linge. Donc oui, j’ai mesuré que c’était quand même une belle récompense.

On ne peut pas ne pas vous parler de la Villa Medicis, et de la controverse qu’a provoquée votre entrée. Comment se sont passés les premiers jours de résidence ? Avez-vous reçu des témoignages de sympathie des gens du métier ?

Le débat s’est un peu mordu la queue au bout d’un moment. Ça tournait en rond, puis on est arrivés à des attaques personnelles assez basses. A ce moment-là, les premiers signataires ont un peu changé leur fusil d’épaule, voyant que la polémique s’attaquait directement à des artistes, c’est à dire Magic Malik et moi-même.
Mon arrivée là-bas s’est plutôt bien passée, et les compositeurs de musique contemporaine m’ont plutôt bien accueillie. Ils m’ont affirmé ouvertement regretter d’avoir signé la pétition. Ça m’a fait du bien, car je n’étais pas très à l’aise en arrivant. Je savais qu’il y avait des gens sur place qui avaient signé la pétition. Ce n’était pas évident, mais ils sont intelligents.
Après, Il y a quand même quelque chose qui est en train de changer et qui ne plait pas. Il y a des extrémistes tous les domaines. Les gens comme moi dérangent aussi parce que je ne fais pas les choses "comme il faut"… Je suis un peu une bâtarde. Les compositeurs que j’ai rencontrés ont fait des études au conservatoire. Après, ils sont allés à l’IRCAM (Institut de Recherche et Coordination Acoustique – ndlr). Ils ont un parcours très écrit. Mais ce sont des gens hyper intéressants, je n’ai rien contre eux.

Pour vous, la scène est-elle un aboutissement ? Pouvez-vous imaginer faire de la musique sans faire de scène ? 

Ce n’est pas un aboutissement, c’est le début. Je considère la scène comme le placenta de mon projet. C’est plutôt le disque qui va accompagner la scène. C’est la raison pour laquelle, par rapport à la crise du disque en ce moment, je tire mon épingle du jeu, parce que les gens qui programment mes spectacles se foutent du disque. Ils sont en dehors de cette méthode et cette façon de travailler assez traditionnelle et très propre aux maisons de disques.
J’ai acquis une crédibilité par rapport à ce réseau qui est quand même concret. Finalement, je ne me sens pas tellement en rade et s’il n’y a plus de disques, j’aurai toujours du travail. Et bizarrement, j’ai toujours voulu cette sécurité et ça m’a toujours davantage excitée que de vivre d’un disque. Un exemple : Carla Bruni ne peut pas faire de scène, car elle est terrorisée. Pourtant elle a vendu un million d’albums, mais je ne l’envie pas. Je considère la scène comme la base de recherche. En plus, le disque c’est tellement formaté en France : il faut qu’il y ait 11 ou 12 titres, de pas plus de 3mn30. Il faut qu’il y ait quelque chose pour aller à la radio.
Avec Rosa la Rouge, j’ai complètement cassé ce truc et je le paie assez cher parce que ce n’est pas facile du tout à travailler pour mon label, mais je trouve que le pari est beaucoup plus excitant et les résultats sont là, par rapport à la scène. Même si le spectacle doit aussi s’imposer.

Une petite question qui se rapporte directement à notre site : quel est votre rapport aux spectacles  musicaux en  général ? Etes-vous plutôt musicals de Broadway, films de Fred Astaire et Gene Kelly, ou comédies musicales à la française. En avez-vous vu récemment ?

Non. Bien que je  vienne du rock et que je sois quand même chanteuse avant tout, ce ne sont pas tellement les disques de rock, de pop ou de chansons qui m’ont faite. Ce sont plutôt les bandes originales de film. Depuis que je suis toute petite, ça reste ancré en moi. Et les spectacles qui m’ont le plus plu ne sont pas des concerts, mais des spectacles de danse ou de théâtre contemporain.

Pouvez-vous donc me citer une B.O. d’un film que vous aimé? 

J’en ai trois. La plus connue, c’est Paris Texas (film de Wim Wenders en 1984 – ndlr), qui m’a désinhibée. J’ai acheté une Dobro (marque de guitare – ndlr), j’ai écrit plein de choses pour mon premier album chez Boucheries Productions, il y a 10 ans. C’était tellement beau ce qu’a écrit Ry Cooders…
Sinon quand, j’étais petite, c’était La Porte du paradis, un film de Michael Cimino, qui m’a accompagnée pendant vraiment longtemps. Je ne me rends pas compte si c’est connu ou pas, mais pour moi c’est mythique. Il y avait quand même Isabelle Huppert, Christopher Walken.et Kris Kristofferson, que j’ai retrouvé  dans un film dont j’ai fait la B.O. il y a quelques années, Requiem for Billy the Kid… Et la troisième n’est pas très connue, mais c’est un guitariste génial qui s’appelle Fred Frith. Le film s’appelle Step Across the Border. Je trouve ça magique…

Toujours les images qui accom
pagnent la musique…

Quand Philippe Decouflé (qui l’a mise en scène dans Iris – ndlr) est venu me chercher, il ne s’est pas trompé parce que je me suis vraiment éclatée dans ce spectacle. Je faisais partie de sa compagnie comme une danseuse, sauf que je ne dansais pas. J’ai composé la musique et après j’étais sur le plateau avec ma guitare, donc je pouvais faire un concert dans un spectacle de danse. Decouflé a été le premier à mélanger les deux disciplines et maintenant ça se fait de plus en plus.
Mais en 2003, quand je suis partie avec lui, tout le monde m’a lâchée. Mon label, mon éditeur, mon tourneur. Ils se sont dit "ça y est, c’est fini la chanson pour elle". J’avais un gros tourneur à l’époque, Asterios. Olivier Poubelle se mord les doigts de m’avoir laissée partir. C’est quelqu’un que j’aime beaucoup, mais il n’a pas compris mon écart. Par contre, en revenant du projet de Decouflé, j’avais écrit plein de chansons. Decouflé m’a permis de maquetter et de travailler un format chanson dans son spectacle. Donc quand je suis revenue, j’avais un disque à faire et là, j’ai trouvé ma nouvelle maison de disques, Naïve, un nouveau tourneur et c’est reparti. C’est étonnant comme parcours.

Tant mieux finalement car je sens que je n’ai pas tout dit. J’ai des choses à faire devant moi et c’est crédible. Ce qui est intéressant, c’est de durer car les gens autour de moi qui ont beaucoup de succès durent un temps. Mais au moins, avec mes expériences un peu débiles, un peu délirantes, je reste à flot et c’est très nourrissant.

Merci à Claire Diterzi pour son temps et sa bonne humeur !


Rosa la Rouge de Claire Diterzi et Marcial Di Fonzo Bo

du 2 au 6 novembre 2010

Théâtre Silvia Monfort
106 Rue Brancion,
75015 Paris

Mise en scène : Marcial Di Fonzo Bo ; Images : Patrick Volve ; Dramaturgie : Leslie Kaplan.

Avec Claire Diterzi (Chant et guitare).

Musiciens : Etienne Bonhomme (Batterie et machine à sons), Cédric Chatelain (Hautbois),  Baptiste Germser (Cor).

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