Rencontre avec Alyssa Landry, co-créatrice du spectacle transmédia « #Hashtags »

Temps de lecture approx. 8 min.

Elle aborde avec nous le principe du théâtre "transmédia" (quand le théâtre rencontre le multimédia) qui invite le public à se refléter à travers dix personnages utilisant les réseaux sociaux et à s’interroger avec humour sur nos comportements face à ces derniers. 
 
Musical Avenue : Comment est venue l’idée de ce spectacle #Hashtags ?
Alyssa Landry : Samuel Sené (le metteur en scène du spectacle, NDLR) nous a demandé, à Thierry Boulanger et moi, d’écrire un spectacle pour les élèves de son atelier Musidrama.  C’était un challenge car il s’agissait de dix comédiens et le seul brief était qu’il fallait dix rôles à peu près égaux. Comment faire ça sans faire une série de sketch ? Comment tenir dix histoires sur près d’une heure et demi de spectacle ? Ce n’était pas évident.
A la fin des années quatre-vingt-dix, je vivais à New York. Je partageais mon appartement avec une magnifique fille finlandaise qui passait son temps sur les sites de rencontre. Elle se retrouvait sur des "chats" avec des mecs, et ça se passait super bien jusqu’au moment où elle les rencontrait où ça tombait à l’eau parce qu’il n’y avait pas le déclic. Je trouvais cela déjà très fascinant à l’époque. C’était vraiment la mode à New York. On avait du mal à rencontrer des gens, le seul moyen de rencontrer quelqu’un c’était à travers l’écran de son ordinateur. Et donc au début des années 2000, je m’étais dit ce serait un sujet formidable pour une comédie musicale.
J’avais déjà écrit à l’époque juste un petit quart d’heure de spectacle. Et c’était resté dans mes tiroirs. Quand Samuel s’est présenté avec sa demande, j’ai proposé à Thierry de ressortir cette idée de site de rencontres, de cette envie de créer des liens et le paradoxe de le faire de chez soi sur son canapé seul à travers un écran. Et puis, depuis 2000, les réseaux sociaux ont explosé, ce ne sont plus juste des sites de rencontre, il y a Facebook, Tinder, etc… Ça nous a paru une idée assez riche et surtout on a réussi à développer ces dix personnages autour de ce thème.
 
Musical Avenue : Qui sont ces dix personnages ?
A. L : Le spectacle parle de dix étudiants qui habitent dans un dortoir dans une cité universitaire et raconte leur vie sur un weekend à travers ce qu’ils postent sur les réseaux sociaux. Et il leur arrive plein d’aventures !
J’ai commencé par développer à fond les dix personnages : quelles étaient leurs histoires, leurs points forts, leurs faiblesses… A partir de ce que j’avais dessiné sur ces personnages, j’ai commencé à creuser leur histoire au cours d’un seul weekend. On y retrouve un peu de Facebook, un peu de Tinder, Instagram, ou encore un personnage qui, dès le vendredi soir, est parti pour faire 24h en streaming. Ce qui est drôle pour moi justement, c’est qu’entre le moment où j’ai écrit ce premier quart d’heure et ce spectacle, il y a eu une telle révolution. Il s’agit de quinze ans quand même, mais quand j’ai relu ce que j’avais écrit, je n’ai même pas pu le recycler parce que ça ne parlait que de Netscape et d’autres choses qui n’existent plus ! Aujourd’hui on parle de Tinder et d’Instagram, et je me dis que dans dix ans, tout ça va nous paraître tellement vieux et "has been"!
 
 
Musical Avenue : Comment ces derniers vont être représentés visuellement et artistiquement parlant ?
A. L : On a voulu faire du "théâtre augmenté". J’ai dit à Samuel : "Puisque l’on fait ça, faisons-le vraiment jusqu’au bout !". Comme un laboratoire en quelque sorte. On essaie des choses qu’on a jamais essayé. Ce qui m’intrigue beaucoup, c’est de voir partout des gens un smartphone à la main et de constater que personne ne regarde plus vraiment les choses ou les évènements sans ce smartphone. Personne ne vit plus les choses en temps réel.
Ça fait un petit moment que je me demande comment on peut intégrer les smartphones dans un spectacle. Là, ça a été l’occasion idéale pour le faire parce que tous mes personnages sont en train de poster des choses et a priori, au moins la moitié du public va avoir un smartphone dans la poche. Alors comment utiliser les smartphones pour raconter un peu plus notre histoire ? L’idée, c’est qu’on a une application que tout le monde peut télécharger sur son smartphone et, au moment où nos personnages sur scène postent quelque chose en ligne, les gens du public vont recevoir sur leur téléphone hashtags et photos. On a prévu aussi des projections pour ceux qui n’ont pas de smartphone. Pour l’instant le public, lui, ne pourra pas répondre, ça va dans un seul sens, mais peut-être que dans le futur on pourrait faire ça.
Un des seules choses que j’aimerais mettre en place si on a le temps lors de nos représentations, serait de tenter une fois de faire un streaming. On a désormais quelque chose qui s’appelle "Periscope" qui a été acheté par Twitter. Le principe, c’est que les internautes peuvent laisser des commentaires ou des réactions pendant leur visionnage du spectacle. Cela fait partie de l’aspect "trans-media" du spectacle, c’est-à-dire raconter une histoire sur plusieurs medias en même temps, mais aussi avoir une côté "interactivité" avec le public par le biais d’internet.
 
Musical Avenue : Est-ce que cela change la façon dont le spectateur peut apprécier un spectacle d’être sur son smartphone en même temps ?
A. L : Contrairement à ce qui se fait usuellement avant une représentation, on ne demande pas au public d’éteindre son téléphone pendant le spectacle. Comme cela fait intrinsèquement partie du show, on va demander juste au public de mettre leur téléphone sur vibreur et ce afin d’éviter certaines prises de risque comme avoir des sonneries en plein milieu du spectacle! Il y a du wifi dans ce théâtre, et le code sera donné à l’entrée. Ça a été un challenge de réfléchir à quand envoyer du contenu sur les smartphones des gens dans le public. On a choisi les moments avec attention, ce n’est jamais pendant une chanson par exemple. C’est toujours à un moment où les gens peuvent se permettre d’enlever les yeux un instant de ce qui se passe sur scène pour regarder leur téléphone. Tout a été calculé. C’est presque pour mettre le public à la place de ces élèves qui sont en train de poster. Ce qu’on a voulu faire c’est vraiment interroger le public sous le ton de légèreté et d’humour sur nos comportements face à ces réseaux sociaux. Mais il ne s’agit en aucun cas d’un jugement moral, c’est juste un constat avec humour.
 
Musical Avenue : En quoi cet aspect "transmédia" a-t-il été intéressant dans la création du spectacle ?
A. L : Ce qui fait également partie du côté transmédia, c’est qu’on a fait cet appel aux gens sur les réseaux pour nous aider à créer le contenu media du spectacle. On demandait à ces derniers de nous faire parvenir leurs photos de profil, ou autres. Donc en fait, ce dernier a presque été finalement créé par le public. Samuel a reçu un nombre incalculable de photos, il y a eu un tri à faire. A un moment des personnages sont sur Tinder et ce sont ces photos de profil du public qui défilent sur un des pans du décor. Ce fut grâce à cet appel sur les réseaux. Un autre exemple de "transmédia", il y a un personnage qui vit sa vie sur "Second Life". Via les réseaux, Samuel et moi, on a trouvé deux personnes qui ont bien voulu tourner, à l’intérieur de "Second Life", un court métrage pour notre spectacle. On va pouvoir voir ce qu’il voit et ce qu’il vit dans "Second Life" grâce aux réseaux sociaux. Il s’agit donc ici, à la fois, d’une exploration sur scène des réseaux sociaux mais aussi cela a été une exploration à savoir comment on peut utiliser les réseaux aujourd’hui au niveau de la création d’un spectacle.
 
Crédit Photo : Mathias Bord 
 
Nous remercions chaleureusement Alyssa Landry de nous avoir reçus pour cettre entrevue. Notre avis sur #Hashtags, le musical, que nous avons découvert hier soir, sera en ligne très prochainement sur MusicalAvenue.fr  

 

Margot Capespine

Margot Capespine

Etudiante en cinéma, c'est ce dernier qui m'a mené à la comédie musicale en visionnant les perles de l'âge d'or d'Hollywood. Le virus s'est développé avec une passion pour la version spectacle vivant de ce genre, jusqu'à envahir ma vie professionnelle puisque je produis les spectacles et parades d'un célèbre parc d'attractions dans l'est parisien. J'ai rejoint Musical Avenue et sa merveilleuse équipe en 2013 par envie de développer la légitimité et la popularisation de ce genre qui mérite d'être incontournable à Paris.
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