Le Festival d’Avignon bat son plein, et cette édition 2025 s’annonce encore une fois riche en propositions musicales et théâtrales. Entre créations originales et découvertes inattendues, Musical Avenue a assisté à plusieurs spectacles marquants de cette saison foisonnante.
Afin de partager cette richesse artistique avec nos lecteurs, nous proposerons plusieurs articles. Une invitation à parcourir le Off autrement, au rythme de nos découvertes musicales.

Shadow Kingdom (Le Royaume des Ombres)
Ludovic Alexandre Vidal a encore frappé ! Cette fois-ci, c’est sans son compère de toujours Julien Salvia, qu’il présente son adaptation d’un spectacle au genre peu connu et représenté en France : le théâtre d’ombres. La compagnie Mochinosha fondée en 2012 par l'artiste canadien Daniel Wishes et l'artiste japonaise Seri Yanai est à l’origine d’une douzaine de spectacles de marionnettes, ayant fait ses preuves à l’international.
Le point de départ de l’histoire pose une problématique intergénérationnelle : l’addiction à son téléphone portable. En l’occurrence, Minerva ne peut s’endormir sans. Quand le dieu du sommeil Hypnos le lui vole, elle le suit jusqu’au royaume des ombres, un royaume magique où dormir est proscrit. Les 1h de spectacle raconte comment cette enfant s’attache à tenter de renverser cette malédiction. Bien évidemment, ce périple est fait de rencontres amicales amusantes, charmantes mais aussi hasardeuses.
Avec Shadow Kingdom, on retrouve la douceur et l’intelligence des films d’animation japonais, réputés pour raconter des histoires importantes dans un format narratif très élégant et racé. Le spectateur est immédiatement embarqué du fait d’un ensemble artistique cohérent et percutant dans sa simplicité d’approche. À la diagonale de l’écran, Ilona Dilange et Dov Milstein jonglent avec les nombreuses voix nécessaires à l’ensemble des personnages et alternent intention, voix doublée et chantée parfaitement. Accompagnant des musiques à la fois percutantes et oniriques rappelant l’aventure et la magie de l’enfance, les comédiens se révèlent comme des personnages à part entière et sont du spectacle.
Mettez de côté vos aprioris, les adultes sont autant un public cible que le sont les enfants. Quand ils ont les yeux rivés sur les projections cinématographiques, leurs accompagnateurs restent attentifs (et trés impressionnés) aux manipulations de Daniel Wishes et Seri Yanai des 300 marionnettes prédécoupées, qui s’animent en un tour de main avec une adresse folle ; la question (certainement futile) se posant : combien de temps leur faut-il pour remettre dans le bon ordre les figurines ? Les lumières sont nécessairement importantes dans l’accompagnement qu’elles font des dessins qui s’animent sans excès de fioritures. Ici, la simplicité est synonyme de raffinement. Un mot sur le Théâtre Buffon (un des 4 lieux du Théâtre La Luna) qui renferme l’écrin idéal pour accueillir Shadow Kingdom. Le spectateur se rend dans une espèce de chapiteau en bois (rappelant les infrastructures des camps de vacances d’été) avant d’avoir traversé un mini jardin aux accents du sud. Le charme opère en tout point.
Véritable coup de cœur, il est bon de découvrir un format musical peu commun, particulièrement quand tout est au rendez-vous : une histoire qui embarque, des doublures voix imposantes, un graphisme chimérique et une belle partition. Impossible d’oublier ce voyage au Royaume des Ombres.
Par la Compagnie Mochinosha ; Adaptation : Ludovic-Alexandre Vidal ; Avec Ilona Dilange et Dov Milstein
Du 05 au 26 juillet 2025 – relâche les 9,16 et 23 juillet 2025 – 10h05 au Théâtre Buffon

Arianne, un pas avant la chute
Comment ne pas ressortir chamboulé de ce spectacle ? Hybride à souhait, Arianne, un pas avant la chute fait son retour au Festival du Off 2025 et continue sa conquête de nouvelles groupies après avoir fait mouche à Avignon l’année dernière. Arianne est une rock star au sommet de sa carrière. Invitée dans une émission hommage, elle revient sur son parcours, ses souvenirs et son groupe. S'ensuit un moment d’introspection lourd de sens : que s’est-il passé pendant ce tout dernier concert ? L’heure qui suit l’ouverture de ce spectacle n’est que pure plaisir pour un public qui assiste en direct à une interview/tragédie théâtrale et musicale au format totalement captivant.
À la mise en scène, Thomas Gendronneau fait exploser le format classique et tire le fil des souvenirs de la jeune chanteuse qui n’est pas sans rappeler les grands noms du rock féminin comme Janis Joplin ou Amy Winehouse et leurs doutes. La narration use d’allers-retours pour retracer la pensée et le passé d’Arianne. De prime abord concert rock, le théâtre s’invite tout doucement pour raconter une histoire. À l’aide d’une caméra qui filme non-stop, le concert est diffusé sur des écrans géants et donne une autre version de l’histoire quand la caméra décide de diffuser l’envers du décors que le public n’est pas censé voir. La mise en scène joue avec notre intellect et nos croyances de façon à préserver un final magistral.
On retiendra les chansons originales dignes de rentrer dans notre collection de vinyles, les protagonistes à la fois malins et exceptionnels, à la fois musiciens, chanteurs, comédiens qui se jouent de la fiction pour amener l’audience vers une réalité subjective. L’écriture est également à souligner dans sa finesse et sa pertinence ; on ajoute une belle émotion dans ce que cette histoire représente.
Il n’y a pas grand chose à redire si ce n’est que le spectacle mérite de s’ouvrir à un public plus large, au-delà des remparts de ce cher Avignon.
Par la Compagnie La Caravelle, avec Anthony Falkowsky, Lucas Gonzalez, Sébastien Gorski, Sarah Horoks, Mathilde-Edith Mennetrier, Aude Rouanet, Basile Alaïmalaïs
Du 05 au 26 juillet 2025 – relâche les 08,15 et 22 juillet 2025 – 20h25 – La Factory – Théâtre de l’Oulle

En apparence
Petite entorse à nos précédents contenus, nous vous partageons notre avis sur ce spectacle que nous avons découvert il y a déjà quelques mois au Café de la Danse et qui avait retenu notre attention. En apparence - qui se dit plutôt jeune public - se présente comme une “fantaisie pop cousue main” écrite par Tony Melvil, dont la production artistique est bien reconnue. Dans cette dernière création co écrite avec Marie Levavasseur, il interroge le rapport à soi et à notre enveloppe corporelle. Au travers de titres travaillés, malicieux et sincères, il bouscule un public qui ne s’attendait clairement pas à cela.
En ouverture, la régisseuse est en train de préparer la scène pour les trois artistes qui font une arrivée remarquée affublée de grands manteaux de fourrure, de grosses lunettes noires et de chapeaux improbables comme pour illustrer le titre – plein de mystère – du spectacle. Vont défiler des dizaines d’accoutrements les plus fous les uns que les autres et montrer l’importance d’être soi quelque soit l’image que cela renvoie. Sur scène, les apparences sont synonyme de mutation. Le concert se construit et se déconstruit au fil de la partition qui, elle-même, porte énormément de variations musicales. Les costumes, les décors et la musique sont intimement liés. La partition est élégamment construite et d’une grande qualité dont le texte sonne juste.
Quand vous pensez avoir saisi la logique de la représentation, le rideau blanc passé inaperçu jusque là, laisse se dévoiler une embarcation construite autour de trois plateaux ornés de multiples objets dont on ne comprend pas toujours la présence. Peu importe, la déconstruction fait partie du thème; les apparences rendent possible beaucoup de choses. La régisseuse – Lauriane Durix – des débuts s’avère être la quatrième protagoniste et continue à donner de sa présence en animant ces nouveaux éléments de décors, au milieu de costumes de plus en plus marqués.
Avec tout ça, il ne faudrait pas oublier les merveilleux musiciens et chanteurs que sont Mélissa Vanauberg, Thomas Demuynck aux côtés de Tony Melvil qui participent intégralement à rendre cette fantaisie musicale inoubliable. Leur chant se mêle admirablement à leur instrument sur une musique totalement inspirante. Là aussi, vous ne risquez rien de garder une place dans votre armoire pour y ranger l’album du spectacle. Leur titre “Des plumes” est juste magnifique.

Par la Compagnie Illimitée, avec Thomas Demuynck, Lauriane Durix, Tony Melvil, Mélissa Vanauberg
Du 05 au 26 juillet 2025 – relâche les 08,15 et 22 juillet 2025 – 16h20 – Présence Pasteur