Au cœur d’une rentrée musicale aussi riche que prometteuse, le Théâtre Pixel programme Parisienne, une jolie réflexion sur la condition féminine, la sororité, l’amour et les dégâts de la guerre.
Le Paris d'après guerre
En apparence, l’histoire de Lucie peut sembler assez classique : une femme, à la condition précaire dans un Paris désoeuvrré, tombe amoureuse d’un soldat américain qui la quittera pour retourner dans son pays. Du déjà vu oui, mais sous un récit et avec une incarnation personnelle et authentique. Laura Kimpe – à la création – se saisit d’une période complexe, marquée par la joie et la reconstruction. On y suit une jeune prostituée, forte, pleine de vie et de résilience. Sans exagération, ce personnage incarne un certain militantisme en tentant de rester libre ; le spectateur ressent facilement sa fragilité et sa dignité.
La mise en scène de Cécile Parichet joue sur les contrastes : entre glamour et principe de réalité, entre désir de liberté et contraintes d’un milieu social, ils accompagnent les chamboulements de la vie de Lucie. La sobriété gagne sur une scénographie exagérée, recentrant la narration au plus juste de ce qu’elle raconte, la configuration du théâtre pixel aidant la proximité nécessaire avec le public, qui en est plus touché. Les transitions sont particulièrement bien réussies grâce notamment aux effets d’ombre et légers changements de musique, soulignant les souvenirs fracturés de son personnage. Quant à l’ambiance visuelle, elle ramène certainement le public dans la capitale de 1950 qui au-delà d’un décor, se veut expérimental et vécu. Dans toute cette réussite, certains passages paraissent un peu longs, figeant les souvenirs du personnage et pouvant faire perdre l’attention du spectateur.

Une équipe en symbiose
Sur scène, 4 artistes sont distinctement présents. Laura Kimpe, dans le rôle de Lucie, propose une interprétation authentique et oscille entre légèreté et force. Sa voix lyrique vient surprendre la dynamique musicale instaurée; le premier passage de la gouaille parisienne à une voix plus enlevée n’est pas sans surprendre. La façon dont elle porte le rôle de son amoureux absent est d’une infinie tendresse et met en exergue son habilité à passer d’une émotion à une autre. Cécile Parichet y incarne une amie de Lucie, une sorte de repère indéfectible dans sa vie bousculée. La comédienne est remarquablement juste dans sa posture et amène de la consistance dans les moments moins actifs. Pour soutenir la musique, deux musiciens (accordéon, clarinette…) Olivia Leblanc et MarkoDjordjevik Sajac se fondent dans le spectacle apportant une dimension sensorielle et immersive très forte ; les pavés et les ruelles de Paris semblent à portée de main. Les individualités officient ensemble pour porter le récit dans lequel chacun trouve sa place.

Ces mêmes individualités portent un registre musical – arrangé pour l’occasion -, caractérisé par un mélange de jazz et de mélodies françaises. La convivialité et l’effervescence de Saint Germain des Prés imprègnent la scène au service de la temporalité de l’histoire. On ne peut dissocier la décennie racontée du fond musical ambiant. Bien entendu, les grands noms de l’époque sont représentés comme Edith Piaf, Joséphine Baker mais aussi les orchestres de jazz nouvellement connus. Ce registre permet à Laura Kimpe de rentrer dans un jeu de séduction avec un public conquis par le timbre marqué de la chanteuse ; la musique vient envelopper les souvenirs du personnage.
Dans la multitude des spectacles de rentrée, Parisienne tire son épingle du jeu en répondant avec simplicité et délicatesse à l’intention de départ : raconter une vie et faire entendre une voix longtemps ignorée ou jugée.
Pour réserver, c’est par ici.

Crédit Photos : Jean-Claude Kagan