En cet automne, le Funambule Montmartre accueille un duo de femmes touchant qui nous raconte l’histoire méconnue et atypique d’une mère et de sa fille. Un spectacle musical au propos à la fois intime et politique.
La vie de Little et Big Edie
Une maison insalubre abrite deux femmes : la cousine et la tante de Jackie Kennedy. Entre feuilles mortes, plants de salade, ratons laveurs et chats, elles vivent leur quotidien loin des hommes. Désœuvrées, elles ressassent leurs souvenirs déchus, hantés par des figures masculines : les hommes qui les ont déçues, trompées, leurs fils morts à la guerre, les maris qui les ont enfermées, battues… Recluses dans cette maison en désordre, elles chantent leur liberté acquise au prix de nombreux sacrifices.
Si le propos est quelque peu décousu, la douleur et la recherche d’émancipation de ces femmes imprègnent l’atmosphère. Le spectateur s’attache à ces deux figures dont il aimerait connaître davantage l’histoire. Il en sera pour ses frais. Loin d’être le récit pathétique de deux ermites, Les Dépossédées est une fresque des 1001 facettes des femmes. On sourit, on s’émeut et on s’attache à ces deux personnages brisés par la vie qui cherchent leur liberté et leur bonheur dans une vie marquée par la dépossession et le dénouement.

Histoires et musiques au féminin
Quelque peu perdu au début du spectacle, le public comprend rapidement que ce supposé reportage sur les deux Edie Beale n’est qu’un prétexte pour explorer la condition féminine en musique. Avec l’espièglerie et l’art des trouvailles, Anne Cadilhac a rassemblé une partition de reprises du répertoire musical français et international qui laisse la part belle aux compositrices et interprètes féminines, de Brigitte Fontaine à Clara Lucciani.
La mère et la fille sont incarnées par les fantastiques Marie Charlet et Anne Cadilhac (qui accompagne également au piano). Avec quelques accessoires et leurs costumes particulièrement bien choisis, elles campent une relation mère-fille à la fois fusionnelle et instable. Elles nous offrent de nouveaux arrangements et harmonies sur des chansons connues ou moins connues. Avec humour, tendresse et gravité, elle parviennent à redonner leur place aux textes et aux sous-textes de ces airs.
Les Dépossédées est un beau spectacle, bien que déroutant. Il dresse des portraits de femmes atypiques, incarnées par deux chanteuses charismatiques ; les spectateurs se souviendront longtemps de leurs interprétations originales et intimes.