Le théâtre Essaion accueille actuellement un spectacle royalement déjanté qui revisite avec humour et grivoiserie l’histoire des Trois Mousquetaires.
Les Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas, histoire de cape et d’épée, d’aventure et de politique… mais également de désirs frustrés, de manipulations et de sexe ! L’Affaire Buckingham raconte cette histoire célébrissime depuis les salons du Palais Royal et ses nombreuses chambres à coucher.
Extravagance et superlatifs
Créé par la compagnie Croc-en-Jambe (Mademoiselle, Gabrielle Chanel), ce spectacle rassemble cinq interprètes qui incarnent coup sur coup des personnages hauts en couleur et ridicules (dans le bon sens du terme !). Sophie Jolis (Le Dindon) nous offre une Marie de Médicis, reine mère manipulatrice et opiniâtre dont le but est de destituer Louis XIII (Arnaud Patron) en le faisant passer pour impuissant et de mettre son fils cadet, capricieux et pleurnichard, Gaston (Guillaume Nocture), sur le trône.
Marie de Médicis s’oppose à Richelieu, joué par Jean-Philippe Azéma, dans une course au pouvoir ridicule. Le cardinal, pour sauver son protégé, cherche à prouver l’adultère de la reine Anne d’Autriche avec le séducteur Duc de Buckingham de passage à Paris – joué par Guillaume Nocture (Les Musiciens de Brême, Le Dindon). Anne, reine insatisfaite par son mari – le roi Louis XIII qui, lui, préfère les hommes – se réfugie dans la méditation et les spiritualités indiennes. Elle est incarnée avec humour et exagération par Julie Costanza (Odyssée, la conférence musicale, La Crème de Normandie).
Arnaud Patron (Le Dindon) incarne également D’Artagnan, une brute sans cervelle à l’accent chantant particulièrement attachant, dont est niaisement amoureuse la sœur du roi (Julie Costanza), jeune fille bien décidée à conquérir le Gascon en dépit des injonctions de sa mère.

De l’humour en toute chose
Le décor est formé de quelques meubles et de trois portes en carton, fermées par des rideaux, symbolisant les différentes entrées et lieux. Les artistes sont un petit peu à l’étroit sur cette scène de l’Essaion par rapport à d’autres salles et la confusion se créé parfois pour comprendre où mène chaque porte et l’utilité de conserver les trois entrées sur la scène tout au long de la pièce.
La plupart des changements de décors sont l’occasion d’un passage au noir qui coupe le rythme. Les trop rares fois où ils se font à vue et où les interprètes rompent volontairement le quatrième mur apportent une nouvelle dimension à la narration et renforcent les ressorts humoristique du spectacle.

Le point fort de ce spectacle est indéniablement son écriture : le parti est pris de rédiger la plupart des dialogues en alexandrins. Cela créé un rythme et des traits d’humour souvent bien trouvés. Ce pastiche de la langue de Racine et Corneille s’entremêle de jeux de mots grivois et de références et expressions contemporaines qui ne manquent pas de faire mouche. Le texte allie également des références allant des contes de Perrault aux clichés de la comédie musicale.
Musicalement, le spectacle multiplie aussi les traits d’humour entre les références aux musiques indiennes, au chachacha ou la sonnerie d’un téléphone au clavecin. On retiendra notamment le duo entre la princesse Henriette et D’Artagnan, débordant de mièvrerie et parodie évidente des chansons d’amour dégoulinantes des films Disney.
Si les paroles ne sont pas toujours recherchées et parfois un petit peu répétitives, les meilleures chansons sont celles qui dénotent le plus avec le contexte du XVIe siècle. Le public n’est pas près d’oublier la chanson du poncho, entonnée par la reine mère, bien avinée, qui tricotte en montant la garde devant la chambre d’Anne d’Autriche : fou rire assuré !

Un joyeux mélange
Car c’est dans ses imprévus, ses ruptures du quatrième mur, ses sauts dans le temps qui mêlent les codes de la tragédie classique, du vaudeville et des comédies de boulevard que ce spectacle cueille son public. Portes qui claquent, renversements de situation et jeux de séduction, on se croirait davantage dans un Marivaux ou Feydeau chantant que dans un roman d’aventure.
Ne se prenant jamais au sérieux, L’Affaire Buckingham est une invitation à rire. Les comédiens nous embarquent dans un joyeux délire où ils pourraient aller encore plus loin dans leur folie en cassant davantage le 4e mur, et s’amusant des changements de lieux et de décors ! Bonne humeur garantie !