Critique : "Les Misérables" à la Place des Arts de Montréal

Temps de lecture approx. 5 min.

La nouvelle tempête qui s’est abattue sur le Québec ce mercredi n’a pas freiné des centaines de Montréalais à braver la neige et le froid pour assister à la première d’un spectacle tout particulier : Les Misérables.

C’est que la métropole québécoise n’a pas tous les jours droit à une si belle visite, celle de la comédie musicale la plus populaire au monde et en plus, dans sa toute nouvelle mouture. Une spectaculaire production que Montréal a le plaisir d’accueillir dans le cadre de sa tournée nord-américaine après ses récentes années de triomphe à Broadway.

Un succès qui traverse les époques

Après The Phantom of the Opera à l’automne, voilà qu’une autre comédie musicale culte débarque en ville pour quelques dates exclusives et pas n’importe laquelle. Les Misérables connait un succès fulgurant depuis ses débuts à Londres en 1985. Traduit dans 22 langues et vu par 70 millions de personnes dans 45 pays à travers la planète, ce spectacle a même été adapté en film en 2012 ; Anne Hathaway se méritant d’ailleurs un Oscar pour sa performance bouleversante dans le rôle de Fantine.

Les Misérables tournée nord-américaine

La célèbre œuvre de Victor Hugo a beau avoir été écrite au dix-neuvième siècle, ses thèmes pourtant ancrés dans l’histoire française d’alors trouvent encore écho de nos jours. Plus qu’un plaidoyer social, ce roman épique est un véritable hymne à l’amour, au courage et à la rédemption à travers une pléiade de personnages qui luttent pour leur destinée dans une France empreinte d’injustices, à commencer par Jean Valjean, bagnard devenu maire, dont la quête et les combats moraux sont au centre du récit.

Une production époustouflante

Mais encore fallait-il parvenir à donner vie aux mots et aux personnages de Hugo, dépeindre aussi habilement qu’il l’a fait la France pauvre d’il y a deux siècles, le tout en musique et sur scène. Le défi a déjà été relevé il y a 33 ans et avec brio. Puis, en 2009, pour célébrer le 25e anniversaire du spectacle, une nouvelle production signée Cameron Mackintosh a vu le jour, dépoussiérant la pièce pour la rendre encore plus époustouflante.

Jean Valjean Les Misérables tournée nord-américaine
Fantine Les Misérables tournée nord-américaine

Et on peut dire que la magie opère dès les premières minutes. Une toile de Victor Hugo habille seule la scène avant que le rideau se lève sur les bagnards condamnés aux travaux forcés dont fait partie Jean Valjean. De scène en scène, l’intrigue évolue sans temps mort pour un spectacle pourtant d’une durée de 2h55 avec entracte. Le théâtre, l’opéra, le cinéma et la technologie s’épousent dans une scénographie réinventée par Matt Kinley qui plonge le public de plein fouet dans l’univers des Misérables. Il y a bien sûr les dessins de Hugo qui sont incorporés au décor en arrière-plan, mais aussi de nombreuses projections cinématiques qui le complètent, comme lorsque Valjean traîne Marius dans les égouts parisiens. Idem pour le suicide de Javert sur le pont dont les effets spéciaux permettent de repousser les limites de la scène. Ces ajouts apportent indéniablement un plus aux décors déjà fournis qui s’alternent d’ailleurs avec beaucoup de fluidité, sans oublier les costumes (392 en tout) qui contribuent eux aussi au réalisme de la pièce.

Émotion et coordination

Outre cette scénographie nouvelle qui redonne un second souffle à ce spectacle bien connu, la mise en scène en tant que telle frappe dans le mile à chaque numéro, particulièrement ceux de groupes. La coordination est parfaite entre les divers membres de la troupe qui se donnent tous à fond avec des chorégraphies poignantes et sans anicroche, à l’image des splendides musiques et chansons qui rythment le spectacle. L’émotion est au rendez-vous, mais toujours avec justesse, notamment dans le fameux « One Day More » qui termine avec force le premier acte. Difficile de ne pas avoir les larmes aux yeux devant le sort réservé aux personnages de l’histoire. Heureusement, quelques scènes décalées permettent de se relâcher un peu, comme « Master of the House » où l’horrible et truculent couple des Thénardier est à l’honneur, si bien campé par J Anthony Crane (The Country House) et Allison Guinn (On The Town).

Thénardier Master of the House Les Misérables tournée nord-américaine

Un duo parfait

Au cœur de l’intrigue, deux hommes s’affrontent, l’un luttant pour sa rédemption et l’autre pour faire régner ses principes de justice. Dans le rôle de Jean Valjean, Nick Cartell (Scandalous – The Musical), ne déçoit pas, autant dans son excellente interprétation que dans sa voix qui traduit si bien les différentes émotions auxquelles est confronté son personnage. Il est Jean Valjean dans tous ses aspects, des combats qui le rongent à son amour paternel envers Cosette. Sa performance de « Bring Him Home » est particulièrement troublante. Dans le rôle de Javert, Josh Davis (Beautiful – The Carole King Musical) impressionne tout autant, avec sa voix grave et puissante. Implacable et têtu comme ce personnage l’exige, il attire presque notre sympathie lorsqu’il comprend ses erreurs juste avant de se suicider.

De Fantine jouée par Melissa Mitchell qui faisait déjà partie de la distribution originale de 2014 à Broadway, à Cosette (Jillian Butler ; Wicked), en passant par Marius (Joshua Grosso ; In the Heights), l’évêque de Digne (Andrew Maughan ; Candide), Éponine (Ashley Dawn Mortensen ; The Sound of Music), Enjolras (Matt Shingledecker ; Wicked) et tous les autres artistes, chacun habite son personnage à merveille, autant vocalement que dans l’interprétation. Mention spéciale également pour les enfants de la pièce qui campent leurs rôles avec beaucoup d’aisance et de naturel.

Les Misérables tournée nord-américaine

De passage à Montréal jusqu’au 11 février, cette nouvelle production des Miz vaut donc sans conteste le détour. Un spectacle qui frôle la perfection, puissant et bouleversant, superbement réinventé pour rester encore plus un classique, à l’image de l’œuvre dont il est tiré.

Crédit photo : Matthew Murphy
Les Misérables
Image de Nathalie Katinakis

Nathalie Katinakis

Bercée par les tubes de "Starmania" durant l'enfance, c'est "Cats" qui me donne la piqûre pour de bon quand je me plonge enfin dans son univers en 2010. Dans la foulée, je découvre le West End et rejoins l'équipe de Musical Avenue dès 2011, couvrant les spectacles montréalais depuis le Québec où je réside.FB/IG:@uneportesurdeuxcontinents
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