L’année dernière, nous avions couvert la présentation scénique de Météore, une version retravaillée du musical créé dans le cadre d’un Travail de Fin d’Etudes du cours Florent par Lucie Callaud, Raphaël Anatole et Marie Hamamdjian. Aujourd’hui nous assistons au studio Hébertot à une nouvelle mouture de ce spectacle foisonnant, en constante évolution, et à ne pas rater !
Une lueur dans la nuit ?
Écrite par Lucie Callaud, Raphaël Anatole et Marie Hamamdjian, Météore est une pièce très riche, nous donnant à suivre un jeune poète en plein spleen, Cyril (Raphaël Anatole), qui décide d’aller fêter le Nouvel An dans l’immense maison d’une jeune héritière, Ivane (Lucie Callaud) en espérant, peut-être, y trouver l’inspiration qui lui échappe depuis un moment. Le temps d’une nuit dont personne ne sortira indemne, il croisera, apprendra à connaître et à apprécier, des jeunes gens hauts en couleurs, tous produits de leur histoire singulière et reflet de la jeunesse désenchantée d’aujourd’hui.
Météore, par le biais et à l’image de ses protagonistes, aborde des sujets qui se veulent forts, denses, à la fois classiques et modernes. Au cours de la soirée nous faisons ainsi connaissance avec une multitude de personnages qui fonctionnent en binôme, et en miroir : Cyril, le poète ‘débraillé’, l’observateur qui s’exprime en citant Hugo ou Musset ; Narcisse (Lucas Rigoni), l’influenceur superficiel et tyrannique obsédé par sa propre image ; Fiona (Maïalène Walquan) la parisienne livrée à elle-même qui balance du ‘meuf’ à tout bout de champ ; Marina (Marie Hamamdjian), l’impétueuse jeune femme élevée en foyer qui tente survivre, Téa (Oréade Gagneux Lagrèze) et Paloma (Marielle Moussaron) celle qui s’est/se fait abuser, Damien (Elliot Appel ) celui qui tente de s’en sortir. Ivane, enfin, mystérieuse héritière orpheline et initiatrice de leur rencontre… grâce à la présence éthérée et l’attention bienveillante de laquelle le parfait reflet en surface va se brouiller, permettant à chacun de se révéler aux autres, et à soi-même.
Certes, la galerie est chargée. Pourtant cela fonctionne : l’émotion est bien présente, et l’on se prend d’affection pour ces jeunes gens à la dérive à mesure qu’ils se dévoilent



Il faut dire que la mise en scène énergique et légère de Jeremy Mekkaoui et Hugo Prieur rend les transitions agréables, fluides. L’écriture est fine ce qui ne gâche rien. Faite à plusieurs mains, elle laisse transparaître différentes influences et sensibilités, enrichissant les personnages et leur conférant une profonde sincérité.
L’interprétation est globalement très réussie ; et si parfois l’on peut trouver le jeu un peu affecté, cela se transforme et s’explique en fonction de l’évolution des personnages…
La partition d’Adrien Sepulchre qui leur donne voix est intéressante et mériterait une mise en avant plus qualitative (on regrette de ne pas avoir saisi les paroles de nombreuses chansons, à cause d’un problème technique…). Elle comporte de beaux morceaux, tous inédits à une exception près, même s’il arrive parfois qu’ils paraissent familiers. La musique est aussi éclectique que les personnages sont divers, et mêle de nombreux styles de chansons, du hip-hop au slam, de la pop au RnB en passant par le jazz (la voix de Maïalène Walquan sur « Fly Me to the Moon » est superbe) ainsi qu’une multitude de genres musicaux : tango, oriental, techno… Chaque morceau est illustré par d’emballantes chorégraphies foisonnantes et rythmées, réalisées au cordeau. Côté histoire, musique, mise en scène et énergie, Météore est sans le moindre doute un spectacle ambitieux, et généreux.
La seule économie ici, c’est le décor. Il n’y a qu’un véritable élément scénique : une structure carrée à roulettes et baldaquin qui forme un cadre mouvant et permet de délimiter l’espace indéfiniment ; ainsi que quelques cubes noirs qui sont déplacés à l’envie et servent majoritairement d’assises. C’est simple mais diablement efficace, et cela suffit à stimuler l’imagination, et nous plonger dans le feu d’une soirée endiablée (notamment à la transition techno/stroboscope qui rappellera des souvenirs à certains d’entre nous, et on salue le travail de la lumière qui tient une grande place dans la performance du procédé). Grâce à ce dispositif, on se figure sans mal tous les espaces où se déroule l’action, que ce soit l’extérieur – la rue où erre Cyril au début, le jardin paisible de la maison où la fête bat son plein – ou l’effervescence de cette soirée de la Saint Sylvestre qui voit ses participants décliner peu à peu sous l’effet des psychotropes. De la cage à laquelle est enchainé l’influenceur qui fait un bad trip tandis que celle qu’il opprime en permanence s’émancipe enfin ; au terme du narratif d’Ivane aux accents kusturiciens, ces éléments scéniques disparates permettent de créer des images fortes qui ne manquent pas de provoquer de belles émotions.
La réalité hallucinée des folles soirées devient palpable sur la scène du studio Hébertot.

Dans un monde théâtral un peu trop convenu et répétitif, 'Météore' est une bouffée d’air
C’est donc un spectacle bouillonnant, entrainant, poétique, sombre mais non dénué d’espoir…
Si les arcs narratifs des personnages pris individuellement sont assez classiques, leur convergence ou leur carambolage au gré de la musique, la sensibilité du texte, et de la mise en scène font de Météore un spectacle original, aussi hétéroclite que ne le serait une véritable soirée du Nouvel An ; de celles où l’on va sans savoir pourquoi, et où l’on rencontre ces personnes que l’on n’aurait jamais croisé autrement. Météore touche un peu à tout : alcool, drogue, abus…, s’essaie à tous types de musiques et de danses, et, à l’image de la vie, nous embarque sur un chemin sinueux dont l’aboutissement est incertain, à une exception près. Si vous aimez vibrer, vous serez servis ! Quel plaisir !!
