Critique : « The Apprenticeship of Duddy Kravitz » au Centre Segal de Montréal

Temps de lecture approx. 5 min.

Broadway peut aller se rhabiller. De l’autre côté de la frontière, Montréal accueille en ce moment une comédie musicale toute spéciale, en grande première mondiale avec une équipe de création composée de grosses pointures. Un gros coup pour la métropole, mais aussi pour le Centre Segal qui est décidément une référence en ville en matière de théâtre musical.

Alan Menken (La Petite Sirène ; La Belle et la Bête) à la musique, David Spencer (The Fabulist) aux textes et Austin Pendleton (A Beautiful Mind) à la mise en scène : un trio du tonnerre pour créer l’adaptation musicale du célèbre roman de l’auteur canadien Mordecai Richler. Il aura pourtant fallu attendre plusieurs années avant de voir ce jour arriver, le projet ayant déjà été sur le tapis dans les années 1980 avec une production hélas avortée.

Mais ça y est, la version musicale du livre, aussi adapté en film en 1974 avec Richard Dreyfuss dans le rôle-titre, est maintenant une réalité et pourrait très bien faire son petit chemin jusqu’aux États-Unis. Elle en a, c’est certain, tout le potentiel. En attendant, c’était tout naturel qu’elle soit créée et présentée à Montréal, là où se déroule l’intrigue.

L’apprentissage de Duddy Kravitz, c’est l’histoire d’un jeune Juif arriviste, convaincu qu’il peut devenir un homme respecté en achetant son lopin de terre. Il n’hésitera pas à trahir ses proches pour atteindre son but, pour le meilleur et pour le pire. Véritable anti-héros, il n’en demeure pas moins sympathique, surtout que son destin est modifié dans la pièce où il a droit à sa fin heureuse, contrairement au livre.

David Spencer ne s’est pas contenté d’altérer la fin du roman, restant sinon fidèle au récit, mais a aussi choisi de l’aborder sous un autre point de vue : celui du père de Duddy, Max Kravitz (George Masswohl). Une perspective intéressante pour raconter l’histoire, ce dernier guidant le spectateur sur les éléments à souligner, devenant par la même occasion son complice.

Dès les premières notes, on sent la signature de Menken. On le devine en effet derrière les airs du spectacle, dont certains risquent fort de s’ajouter à sa longue liste de tubes. "Welcome Home" en est d’ailleurs un bel exemple, chanté par la petite amie de Duddy, la Franco-canadienne Yvette, douce et droite, campée ici par Marie-Pierre de Brienne (La Mélodie du Bonheur) à la voix cristalline qui caresse les oreilles. Ken James Stewart est quant à lui le ciment du spectacle dans le rôle de Duddy, avec sa fougue et son énergie qui rendent sa quête des plus crédibles.

À vrai dire, les performances de tous les interprètes méritent d’être soulignées ; cette production regorgeant de rôles secondaires savoureux. Victor A. Young (Spamalot) est à ce sujet très émouvant dans le rôle du grand-père de Duddy. David Coomber (Bullet for Adolf) est aussi excellent dans celui de l’ami naïf, pourtant pas si bête. Idem pour Kristian Truelsen (Floyd Collins) et Sam Rosenthal (Time Stands Still), hilarants en cinéaste illuminé et mafieux au grand cœur. Ces derniers ont d’ailleurs bien fait rire le public dans "Art and Commerce" et "What a Liar!", en duo avec Ken James Stewart, deux scènes particulièrement réussies qui se suivent d’ailleurs.

Le spectacle réserve également au public quelques séquences d’émotions, comme "Unfinished Business". Non seulement la musique est magnifique, le personnage de la mère défunte, en esprit aux côtés de sa famille, était une très belle idée pour imager le vide laissé par son absence.

De sa place dans la société à la pression familiale, The Apprenticeship of Duddy Kravitz aborde plusieurs thèmes qui ne cessent d’être d’actualité. Entre la comédie et le drame social, ce spectacle traite avant tout de la quête d’un homme imparfait, comme tant d’autres comédies musicales. Il a par contre ce petit plus indéniable grâce aux créateurs de renom qui y ont mis leur empreinte, donnant ainsi une seconde vie à ce classique de la littérature canadienne.

Crédit photos : Maxime Côté


The Apprenticeship of Duddy Kravitz de Alan Menken (musique), David Spencer (livret et paroles) et Austin Pendleton (mise en scène) – d’après le roman de Mordecai Richler

Présenté en anglais du 7 juin au 5 juillet 2015 au Centre Segal des Arts de la Scène de Montréal

Durée de 3h05 avec entracte.

Direction musicale: Jonathan Monro assisté de Nick Burgess ; Chorégraphie: Dayna Tekatch ; Orchestrations: Oran Eldor ; Décors/costumes: Michael Eagan ; Éclairages: Luc Prairie ; Sonorisation: Peter Balov.

Avec : Ken James Stewart (Duddy Kravitz), George Masswohl (Max Kravitz), Marie-Pierre de Brienne (Yvette), Howard Jerome (Simcha Kravitz), Adrian Marchuk (Lenny Kravitz), Victor A. Young (Benjy Kravitz), David Coomber (Virgil), Sam Rosenthal (Cohen), Michael Rudder (Dingleman), Kristian Truelsen (Friar), Albane Chateau, Gab Desmond, Julia Halfyard, Michael Daniel Murphy.

Nathalie Katinakis

Nathalie Katinakis

Bercée par les tubes de "Starmania" durant l'enfance, c'est "Cats" qui me donne la piqûre pour de bon quand je me plonge enfin dans son univers en 2010. Dans la foulée, je découvre le West End et rejoins l'équipe de Musical Avenue dès 2011, couvrant les spectacles montréalais depuis le Québec où je réside.FB/IG:@uneportesurdeuxcontinents
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