Focus album : «SpongeBob Squarepants», Original Cast Recording

Temps de lecture approx. 6 min.

Quand on pense à Bob L’éponge, on pense immédiatement à un univers loufoque, coloré, absurde et attachant, mais pas forcément à Broadway. Pourtant, en 2017, ce pari improbable est relevé avec panache : adapter le célèbre dessin animé en comédie musicale à destination d’un public familial, tout en respectant la richesse visuelle et l’énergie cartoonesque de la série. Ce qui aurait pu n’être qu’un projet opportuniste s’est avéré être une production aussi ambitieuse que réussie. En témoigne son album original, véritable bijou de diversité musicale et d’inventivité.

Dans la comédie musicale SpongeBob SquarePants, la ville sous-marine de Bikini Bottom est menacée par l’éruption imminente d’un volcan. Tandis que la panique gagne les habitants, Bob, souvent sous-estimé, décide de prouver qu’il est bien plus qu’un simple cuisinier de fast-food. Avec l’aide de ses amis Patrick et Sandy, il se lance dans une mission pour sauver la ville. En parallèle, les habitants réagissent de façon variée à la catastrophe : certains sombrent dans la peur, tandis que d’autres tentent d’en profiter…

Un album concept hors normes

La première singularité de cet album réside dans son processus créatif : chaque chanson est composée par un artiste ou un groupe différent, de David Bowie à John Legend en passant par Panic! at the Disco, Cyndi Lauper, Sara Bareilles, They Might Be Giants ou encore Steven Tyler & Joe Perry du groupe Aerosmith. Sur le papier, une telle pluralité de styles aurait pu virer à la cacophonie. Pourtant, l’album est d’une cohérence étonnante. Mais comment est-ce possible ?

Sous la direction musicale de Tom Kitt (réputé pour Next to Normal et If/Then), les arrangements et orchestrations ont été repensés pour donner une couleur unifiée à l’ensemble. Kitt ne s’est pas contenté d’habiller les chansons : il a tissé des fils conducteurs entre elles, créant des transitions harmoniques subtiles, une palette instrumentale cohérente (avec pas moins de 18 instrumentistes dans l’orchestre) et une atmosphère globale à la fois festive, théâtrale et résolument cartoon. L’album ressemble ainsi à une émission musicale unique en son genre, rythmée, accessible, mais jamais superficielle.

Une palette musicale explosive mais maîtrisée

L’album est un véritable kaléidoscope de genres. Chaque numéro possède sa propre personnalité, sans jamais rompre l’équilibre de l’ensemble.

  • « Bikini Bottom Day » ouvre le spectacle sur une partition de Jonathan Coulton. Ce morceau d’introduction est une réussite instantanée : dynamique, joyeux, à la rythmique syncopée et aux arrangements cuivrés qui posent immédiatement le ton. On y découvre un Bob l’éponge débordant d’enthousiasme, campé avec brio par Ethan Slater, dont la performance vocale énergique et limpide traverse tout l’album.

  • « Best Day Ever », signée Andy Paley et Tom Kenny (la voix originale de Bob l’éponge dans la série), est une chanson directement tirée du dessin animé. Intelligemment réintégrée dans le spectacle, elle ajoute une touche nostalgique tout en s’imbriquant parfaitement à la narration.

  • « No Control » de David Bowie (co-écrite avec Brian Eno) surprend par son ambiance presque new-wave, un moment suspendu dans le tumulte de l’histoire. La chanson donne une profondeur inattendue au chaos ambiant, et la présence posthume de Bowie dans une comédie musicale pour enfants n’est pas la moindre des bizarreries réussies de l’album.

  • « I’m Not a Loser », écrite par les membres d’Aerosmith, est une pépite glam-rock survoltée, portée par un Carlo Tentacule (Gavin Lee) en mode showstopper. Le numéro, d’une efficacité redoutable, fait office de clin d’œil aux grandes heures de Broadway, le tout avec quatre jambes supplémentaires et des claquettes !

  • « Hero Is My Middle Name » (Cyndi Lauper), « Poor Pirates » (Sara Bareilles), ou encore « Super Sea Star Savior » (The Flaming Lips) montrent combien le projet a su fédérer des artistes autour d’un univers tout sauf simple à adapter. Chacun apporte sa patte, tout en respectant le ton et l’identité du spectacle.

Une réussite autant pour les enfants que pour les adultes

Ethan Slater est sans conteste la star vocale de l’album. Il livre une performance à la fois fidèle à l’esprit du personnage et techniquement impressionnante. Sa diction parfaite, son énergie constante, ses aigus impeccables et son grain de voix singulier font de lui un Bob l’éponge irrésistible.

Gavin Lee (Carlo Tentacule) offre lui aussi un numéro mémorable, tout comme Danny Skinner (Patrick) et Lilli Cooper (Sandy), qui apportent à leurs personnages une vraie présence vocale et dramatique. Mention spéciale à Wesley Taylor (Plancton), hilarant dans « When the Going Gets Tough » avec ses accents hip-hop et son ironie mordante.

L’une des forces de cet album est sa double lecture : il est aussi accessible à des enfants fans du dessin animé qu’à des mélomanes ou amateurs de comédie musicale. Les textes sont à la fois drôles, absurdes et parfois plus profonds qu’il n’y paraît. Musicalement, l’album alterne entre des tubes pop aux refrains accrocheurs, des moments d’émotion et des pastiches de styles variés, le tout servi par des orchestrations travaillées.

Un pari risqué… transformé

Faire appel à une quinzaine de compositeurs différents aurait pu saboter l’unité du spectacle. Mais ici, c’est tout le contraire. Le projet devient un hommage à la diversité musicale et à la richesse de la création collaborative. Chaque chanson est un mini-monde, mais toutes participent à un univers global cohérent. Un exploit à saluer !

L’album SpongeBob SquarePants: The Broadway Musical est donc une prouesse artistique. Il illustre à merveille comment un projet apparemment hétéroclite peut devenir un tout cohérent et enthousiasmant grâce à un travail d’arrangement et de direction musicale exemplaire. Le disque est fun, intelligent, varié, parfois délirant, mais jamais brouillon. Il donne envie de découvrir (ou de revoir) le spectacle sur scène, tout en s’appréciant parfaitement en écoute isolée.

À recommander sans hésiter, que vous soyez fan de comédie musicale, amateur de pop-rock, ou simplement nostalgique de Bikini Bottom !

Le Top 3 de Nicolas

  1. BFF : une chanson tendre et pleine d’humour sur une mélodie accrocheuse et rythmée
  2. Just a Simple Sponge : une mélodie pop portée par une belle performance d’Ethan Slater et des arrangements spectaculaires
  3. Hero is My Middle Name : entraînante et positive, une chanson qui donne le sourire à chaque écoute !

Points forts

Points faibles

5/5

Écouter l'album

SpongeBob Squarepants – Original Cast Recording est accessible sur les plateformes de streaming Deezer, Spotify et Apple Music. Il est également disponible en version physique (1 CD + livret de 28 pages contenant les paroles des chansons, un édito de Tina Landau et Tom Kitt, ainsi que le synopsis et plusieurs photos du spectacle).

Image de Nicolas Schiff

Nicolas Schiff

Musicien depuis l'enfance et aujourd'hui chef d'orchestre, c'est tout naturellement que je suis tombé amoureux des comédies musicales, au travers des partitions que j'ai eu la chance d'interpréter. C'est en alliant cette passion pour la musique et mon métier de webdesigner, que j'ai rejoint l'équipe bienveillante et très sympathique de Musical Avenue ! Fan absolu des spectacles de Schönberg & Boublil, admirateur de Lloyd Webber et accro aux chansons de Menken, je me nourris chaque jour de quelques heures de musique sélectionnées dans la centaine de CD de comédies musicales que je collectionne.
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