Adaptée du roman de Nicholas Sparks et du film « N’oublie jamais » de Nick Cassavetes, The Notebook a fait ses débuts à Broadway en 2024 avec une partition signée Ingrid Michaelson. Ce spectacle intimiste raconte une grande histoire d’amour à travers le temps. Intéressons-nous à son album original, offrant des moments de pure émotion et des choix musicaux tout en retenue…
The Notebook raconte l’histoire d’amour bouleversante de Noah et Allie, deux jeunes issus de milieux sociaux très différents, qui tombent amoureux dans les années 1940. Séparés par les circonstances, les années et les choix de vie, ils n’arrivent pourtant jamais à s’oublier. Le récit alterne entre différentes époques de leur vie, montrant leur passion naissante, leurs retrouvailles et leur lien indéfectible malgré les épreuves, jusqu’aux derniers instants marqués par la maladie. À travers cette narration à plusieurs voix, le spectacle explore la force des souvenirs, la persistance de l’amour véritable et la fragilité du temps qui passe.
Une partition sensible et enveloppante
Adapter The Notebook, grand classique du roman et du film romantique, n’était pas une tâche facile : il fallait éviter de tomber dans le cliché trop larmoyant tout en conservant l’émotion forte de cette histoire d’amour à travers le temps. On aurait pu s’attendre à un spectacle trop sucré ou trop sentimental, mais la version musicale surprend agréablement : elle brille par sa pudeur, sa profondeur émotionnelle, et surtout, sa partition touchante signée Ingrid Michaelson.
L’auteure-compositrice-interprète indie-pop Ingrid Michaelson signe ici sa première comédie musicale – et force est de constater qu’elle y apporte sa patte chaleureuse, ses harmonies délicates, et sa science de la mélodie intimiste. La partition évoque souvent des ambiances à la Waitress (Sara Bareilles), avec une instrumentation feutrée.
Carmel Dean et John Clancy, les orchestrateurs du spectacle, évitent tout effet grandiloquent et nous prouvent qu’une comédie musicale n’a pas toujours besoin d’un grand orchestre pour émouvoir le public. Ici, pas de cuivres éclatants ni de percussions : la musique repose sur un accompagnement léger, souvent centré autour du piano, des cordes subtiles, de quelques touches de guitare aux accents folk qui renforcent l’ancrage sudiste de l’histoire, de harpe ou de bois.
Ce choix volontaire colle parfaitement à l’univers de l’histoire, toute en retenue et en émotions contenues. L’orchestration discrète laisse la place aux voix, aux silences et aux nuances, renforçant l’authenticité des sentiments. C’est une preuve que parfois la simplicité est ce qui touche le plus juste.
Un enregistrement intimiste
L’enregistrement est d’une clarté irréprochable, avec une balance maîtrisée entre voix et orchestre. Les arrangements laissent respirer les interprètes et permettent aux paroles de toucher au cœur. Chaque chanson semble enregistrée comme une lettre intime, chuchotée à l’oreille de l’auditeur.
Contrairement à d’autres comédies musicales où l’énergie d’une captation live peut apporter une dimension supplémentaire, The Notebook gagne ici à avoir été enregistré en studio. Ce choix permet de soigner chaque note, chaque souffle, dans une œuvre où l’émotion repose sur la retenue. La qualité sonore impeccable, les voix captées avec précision et les arrangements délicats profitent pleinement de ce format, rendant l’écoute plus immersive et touchante que ne l’aurait permis un enregistrement en public. Pour un spectacle aussi introspectif, la version studio s’impose comme un véritable écrin.
Un triple casting audacieux et bouleversant
L’un des choix les plus marquants du spectacle est de faire incarner les deux personnages principaux, Noah et Allie, par trois duos différents représentant trois étapes de leur vie : jeunes, adultes et âgés.
Ce dispositif délicat à manier sur scène, est pourtant d’une efficacité remarquable !
Jordan Tyson et John Cardoza interprètent les versions jeunes de Allie et Noah, portés par une fougue et une fraîcheur qui rendent palpable l’intensité de leurs premiers élans amoureux.
Ryan Vasquez et Joy Woods incarnent les personnages à l’âge adulte, avec une justesse bouleversante qui donne lieu aux moments les plus poignants de l’album.
Enfin, Dorian Harewood et Maryann Plunkett, en Noah et Allie âgés, apportent une tendresse et une profondeur émotive qui donnent tout son poids à la notion de mémoire et de fidélité à une vie partagée.
Grâce à cette construction originale, les époques se répondent, les voix se croisent, et le passé semble vivre dans le présent, créant un dialogue musical touchant entre les âges.
Ce qui touche et ce qui manque
L’un des grands atouts de cet album réside dans sa capacité à faire naître l’émotion avec pudeur. Certaines chansons se démarquent tout particulièrement, comme « Leave the Light On », interprétée avec une intensité bouleversante par Ryan Vasquez. Ce morceau, à la fois intime et universel, incarne à lui seul toute la force de la partition d’Ingrid Michaelson.
Autre moment fort, « I Know », chanté par Maryann Plunkett dans le rôle d’Allie âgée, offre un regard profondément humain et digne sur la perte de mémoire et d’identité liée à la maladie. « I Wanna Go Back », enfin, réussit l’exploit de faire dialoguer deux versions d’Allie à des âges différents, créant un vertige émotionnel rare que seule une comédie musicale peut transmettre avec autant de puissance.
S’il fallait trouver des défauts à cet album, l’on pourrait dire que certaines chansons, notamment au début, remplissent avant tout une fonction narrative et manquent un peu de relief musical. Les rythmes restent globalement assez uniformes, ce qui pourra décevoir les auditeurs en quête de contrastes plus marqués. Mais surtout, sans le contexte scénique, certains duos entre les versions jeunes et âgées des personnages peuvent sembler un peu confus à l’écoute seule. Cela dit, ces limites restent mineures face à la qualité d’ensemble de l’enregistrement, qui trouve sa force dans la douceur, la cohérence et la vérité des émotions transmises.
The Notebook est un bijou de délicatesse, à la fois pudique et bouleversant. À l’image du film et du roman, il traite de l’amour dans ce qu’il a de plus pur et de plus douloureux, sans jamais tomber dans le mélodrame gratuit. Ingrid Michaelson y révèle un talent rare pour l’écriture musicale théâtrale, et ce cast album a toutes les qualités d’un futur « classique » pour les amateurs de comédies musicales à l’américaine.
Le Top 3 de Nicolas
- Kiss Me : pour sa mélodie simple et émotive, qui va droit au cœur, ainsi que son orchestration d’une grande finesse, où les cordes et les bois s’entrelacent avec délicatesse pour souligner toute la tendresse de ce moment.
- Forever : pour le passage sous la pluie que je pourrais réécouter en boucle tant l’intensité des chœurs, la puissance du duo entre Joy Woods et Ryan Vasquez, et la montée orchestrale nous submergent d’émotion.
- Coda :pour la puissance des chœurs et les magnifiques harmonies qu’ils déploient, donnant à l’album une conclusion aussi émotive que grandiose.
Points forts
- Interprétation vocale émotive
- Orchestrations raffinées
- Construction narrative originale à travers 3 âges
- Chœurs puissants aux harmonies riches
- Qualité sonore irréprochable
Points faibles
- Confusion possible entre les voix sans le visuel
- Rythmes parfois peu variés
Écouter l'album
The Notebook – Original Broadway Cast Recording est accessible sur les plateformes de streaming Deezer, Spotify et Apple Music. Il est également disponible en version physique (1 CD + livret de 32 pages contenant les paroles des chansons, quelques interviews des créatifs et plusieurs photos du spectacle).