S’il y a bien une comédie musicale à Londres dont tout le monde parle cet été, c’est bien EVITA. Prévu pour une durée limitée de 12 semaines jusqu’au 6 septembre uniquement, le spectacle qui offre à la star américaine Rachel Zegler ses débuts dans le West End a vu ses prix quadrupler depuis son ouverture officielle grâce à des critiques dithyrambiques. Découvrez si le buzz de ce voyage musical à Buenos Aires est justifié ou si cette virée avec Eva Perón nous a laissés sur notre faim !
50 ANS PLUS TARD
Inspirée de la vie d’Eva Perón, EVITA a d’abord été un album sorti en 1976 avant de devenir une comédie musicale deux ans plus tard. Sur des paroles de Tim Rice avec des musiques d’Andrew Lloyd Webber, le spectacle a pu faire ses armes à Londres au Prince Edward Theatre dans une mise en scène d’Harold Prince avec Elaine Paige dans le rôle titre avant d’ouvrir à Broadway l’année suivante avec l’incroyable Patti Lupone. La comédie musicale connue un immense succès dans le West End avec plus de 3000 représentations avant de fermer le rideau le 18 Février 1986. Après un triomphe pareil, les droits d’adaptations d’EVITA au cinéma provoquent une véritable guerre d’appels d’offres des plus grands studios de films, mais ce n’est jamais le bon moment où la bonne personne pour concrétiser cet immense projet. Barbra Streisand, Michelle Pfeiffer, Meryl Streep, Elaine Paige ou encore Liza Minnelli sont envisagées, mais c’est finalement Madonna qui décroche le sésame après de nombreux rebondissements dignes des plus grands feuilletons de l’époque.
La chanson « Don’t Cry For Me Argentina » redevient alors un tube 20 ans après sa création, mais cela ne motive pas pour autant les producteurs à faire revivre le spectacle sur scène si rapidement. Les prochaines reprises sur scène furent en 2006 à Londres puis en 2012 à Broadway avec la présence notable de Ricky Martin dans le rôle de Che. C’est au Regent’s Park Open Air Theatre que la comédie musicale fit son retour à Londres en 2019 avec une mise en scène de Jamie Lloyd qui n’était pas aussi médiatisé à l’époque. Le succès critique et public de Sunset Boulevard avec Nicole Scherzinger a sûrement poussé les producteurs à faire revenir EVITA avec cette même équipe créative tout en choisissant la star américaine Rachel Zegler dans le rôle principal. Nous vous le disons sans détour, nous avons découvert sans doute l’une des claques visuelles et musicales de l’année 2025 au London Palladium Theatre.

"what's new, buenos aires ?"
Contrairement à tout ce qui a pu être fait par le passé, cette nouvelle version d’EVITA reprends les codes des précédentes productions de Jamie Lloyd avec un plateau quasiment entièrement dépouillé présentant uniquement une estrade rappelant la prestation de Beyoncé à Coachella ainsi que d’immenses lettres lumineuses en fond de scène cachant l’orchestre de près de 20 musiciens pour interpréter cette partition exigeante et intemporelle. L’œuvre étant intégralement chantée, la musique à un rôle primordial et les mélodies de Webber résonnent toujours aussi bien 50 ans après avec de magnifiques orchestrations. « Buenos Aires », « A New Argentina », « Rainbow High », « Another Suitcase in Another Hall » ou « I’d Be Surprisingly Good For You » sont autant de sublimes morceaux que la chanson phare du spectacle « Don’t Cry For Me Argentina ». On y retrouve également la ballade mélancolique « You Must Love Me » qui avait été crée uniquement pour le film et qui est souvent absente des versions scéniques.
La mise en scène de Jamie Lloyd ne mise pas sur d’immenses décors et costumes mais plutôt sur la puissance de l’interprétation et sur les incroyables chorégraphies du Canadien Fabian Aloise. Après avoir pu admirer son travail dans Cabaret au Théâtre du Lido à Paris, mais aussi dans Sunset Boulevard à Londres, on retrouve sa patte unique dans EVITA magnifiée par un ensemble d’une vingtaine de talents qui ne sont pas ménagés pendant près de deux heures et demi de spectacle. Bien plus que de la danse, ces mouvements aussi intenses qu’acrobatiques apportent un véritable plus à la mise en scène à l’instar de ce qu’Andy Blankenbuehler avait pu faire avec Hamilton à l’époque. Les tableaux se suivent et ne se ressemblent pas pour offrir au spectateur un véritable mélange de comédie musicale et concert pop-rock dont la modernité de la mise en scène tranchent avec l’époque de cette histoire.
On retrouve également dans EVITA l’utilisation de la vidéo en direct même si cela est beaucoup moins présent que dans Sunset Boulevard. La scène dont tout le monde parle et qui a fait le buzz sur Internet étant bien évidemment le début de l’acte 2 sur « Don’t Cry For Me Argentina ». À l’ouverture du spectacle en juin dernier, on pouvait lire partout que beaucoup se plaignaient que la chanson iconique était interprétée uniquement pour le public n’ayant pas payé sa place en dehors du théâtre et y voyait là un message politique de la mise en scène d’offrir aux plus démunis un moment unique pendant que les personnes ayant payés cher leur place ne voyaient qu’un écran dans la salle. Cet instant suspendu offre cependant un spectacle saisissant à l’intérieur avec l’apparition de la foule sur écran géant qui crée déjà une ovation dans la salle avant même que la chanson commence. Personne ne s’en retrouve frustré car l’air le plus connu du spectacle est notamment repris plusieurs fois sur scène. Ce choix audacieux est très habilement mis en scène et permet à l’intégralité du théâtre de découvrir Eva Perón.
rachel "superstar" zegler
Même si l’œuvre en elle-même est déjà la star du projet, EVITA est également incarnée par une vedette américaine que vous avez pu découvrir au cinéma dans West Side Story ou plus récemment dans le remake de Blanche-Neige et les 7 Nains : Rachel Zegler. Après avoir fait ses début à Broadway dans la pièce Roméo+Juliet avec Kit Connor de la série Heartstopper, l’actrice de tout juste 24 ans fait désormais ses débuts sur les planches à Londres pour 12 semaines seulement. Difficile de ne pas tomber sous le charme de son interprétation aussi juste qu’habitée. Rachel Zegler dévore la scène pendant plus de deux heures en se donnant corps et âme avec des capacités vocales surprenantes. Alors que la partition est complexe, elle semble survoler ces difficultés avec une facilité déconcertante et incarne Eva Perón à l’image d’une pop-star moderne. Diego Andres Rodrigues tout juste sortie de Sunset Boulevard à Broadway fait office de narrateur en proposant un Che ayant quant à lui une âme de rockstar. Mention spéciale pour Bella Brown (alternante d’Eva Peron) qui interprète tous les soirs avec passion le rôle de la maîtresse. L’intégralité de la distribution ne fait qu’un sur cette immense scène en offrant des tableaux tantôt spectaculaires, tantôt intimistes mais toujours au service du public qui en redemande !

Même si la comédie musicale nous a totalement conquise, il faut cependant avouer qu’il faut impérativement connaître un minimum l’histoire pour comprendre de quoi l’on parle. L’œuvre ayant été écrite comme un disque à la base, on le ressent dans l’absence de transitions qui peuvent perturber au départ. La mise en scène étant intégralement basée sur les chorégraphies, il est parfois difficile de s’ancrer dans un lieu ou un moment précis et le fait que Che soit un narrateur apporte également son lot de confusions. Que vous connaissiez l’histoire ou non, vous passerez un excellent moment, mais il est quand même avisé de se renseigner en amont pour profiter de toute la profondeur de l’histoire.
Sans surprises, EVITA est bien l’évènement musical de cet été à Londres. Alors que les prix du spectacle étaient abordables à l’ouverture, tout le buzz autour a fait quadrupler les tarifs qui vont maintenant jusqu’à près de 400 £ ! Il est cependant toujours possible d’entendre Eva Perón chanter gratuitement à 21h00 (ou 16h00) sur le balcon du London Palladium pour vivre un moment unique jusqu’au 6 Septembre. Retrouvera-t-elle également les planches de Broadway prochainement ? L’avenir nous le dira !

Crédit Photos : Marc Brenner