Critique : « Gatsby le magnifique » séduit le Théâtre du Châtelet

Temps de lecture approx. 5 min.

Le Châtelet est connu et reconnu pour l’excellence de ses propositions toujours plus originales et audacieuses les unes que les autres. Cette première de Gatsby le Magnifique ne déroge pas à la règle. Comment revisiter et présenter ce texte iconique de 1925 en respectant l’original et coller à l’ère du temps ? Le format assez exclusif est une des réponses mais pas la seule…

Gatsby, un classique du genre

Gatsy le Magnifique est LE manifeste témoignant des années folles made in US à l’image de son auteur F. Scott Fitzgerald et de sa femme Zelda. Depuis 1925, l’œuvre totalement incomprise à sa parution, n’a eu de cesse de se réinventer via différentes disciplines : cinéma (sublimes Redford et DiCaprio !), opéra, télévision et même bande dessinée.

On y retrouve le thème récurrent dans toute l’œuvre de Fitzgerald : celui du jeune garçon pauvre et ambitieux, fasciné par le monde des gens bien nés et prêt à tout pour devenir riche à son tour. En l’occurrence, l’histoire s’oriente autour du mystérieux Gatsby, jeune millionnaire follement amoureux de Daisy, rencontré 5 années auparavant avant d’être mobilisé pour la Grande Guerre. Son seul objectif sera d’attirer son attention par le biais de l’extravagance et du grandiose. Tout un programme !

Un classique revisité

Convaincus du potentiel scénique et musical du roman, Alexandre Plank s’associe à Issam Krimi (homme-orchestre surdoué ?) avec l’idée de travailler sur un projet radiophonique, théâtral et musical. Avignon et le studio 104 de la Maison de la Radio accueilleront le projet dans un premier temps avant d’arriver au Châtelet.

Récital radiophonique, c’est dans une version épurée et intimiste que nous redécouvrons ce texte adapté brillamment par Pauline Thimonnier et dans un format court et continu d’1h15. L’absence de décors et le nombre restreint d’artistes sur les planches renforcent la sobriété de la mise en scène dans laquelle l’économie de la gestuelle (mais pas du déplacement) est maître mot. C’est quasi contre intuitif. Mais l’imaginaire prend le relai et nous projette dans cette idée très personnelle que nous nous faisons du East et West Egg. Alors oui parfois, nous avons eu le besoin d’être rattrapés et recentrés sur l’instant du texte slamé. Mais quand le récit s’accompagne d’une telle bande son, on ne peut qu’en oublier ces petits moments.

Une vraie identité musicale

Coup de cœur pour la proposition musicale à contrecourant du jazz band américain dépeint dans le livre. Subtil mélange de hip hop, classique ou pop jazzy, les codes sont rompus. Nous sommes bousculés et raccrochés par ces mouvements musicaux portant l’émotion et le sujet du moment. Gatsby n’est plus récital mais un film dont le spectateur laisse dicter sa pensée tour à tour par le Quatuor Mona, le trompettiste Shems Bendali, le chœur de 4 comédiens et Issam Krimi (Directeur Artistique du Hip Hop Symphonique) au piano, tous acteurs formidables de l’intrigue.

Tel un animateur télé de Bandstand (les connaisseurs comprendrons) ou maître de cérémonie version combat de boxe, Nick ouvre le bal. Le format concert s’avère très efficace. Le déroulé musical continu est profitable à la narration et affirme la cohérence des différents passages récités du roman. L’accompagnement musical est indiscutablement une pépite. Regrettons-nous l’absence de passages chantés ? A de rares moments peut-être, les notes appelant le chant. Et puis non ; la simplicité comme fil conducteur.

Credit photo : Théatre du Chatelet

Un casting brillant

Il est certain que la mise en scène d’Alexandre Plank crée un écrin dans lequel les acteurs ne peuvent que briller.

Sofiane Zermani alias Fianso est Gatsby. Un Gatsby mélancolique plongé dans un monde nostalgique dans lequel Daisy est sienne. Fianso (chanteur/rappeur, animateur, producteur…) est charismatique et élégant. Sa présence solide et mystérieuse est fascinante et nous amène à le suivre dans sa recherche du bonheur passé. Superbe choix d’interprète.

Lou de Laâge (Le Bal des folles) est notre Daisy, une femme affirmée et consciente de ses choix de vie et actions. C’est avec beaucoup d’élégance que ce personnage sans frivolités évolue sur scène. Lou de Laâge ne joue pas l’idiote et donne toute la puissance nécessaire pour évoluer dans l’environnement cruel que représente son mariage avec Tom.

Et puis il y a Nick, notre narrateur, cousin de Daisy et voisin de Gatsby. C’est à travers ses yeux que nous voyageons. Pascal Rénéric (Pour le réconfort) est incroyable. Il donne le ton et la cadence. Sa voix claire et pleine de justesse rend hommage à l’écriture talentueuse de l’écrivain américain. La puissance de son interprétation nous fait dire que c’est peut-être lui finalement le personnage central.

Ce Gatsby ne laisse pas indifférent. Le chef d’œuvre dramatique est une nouvelle fois mis à l’honneur. Nous ressortons chamboulés avec en tête toute la cruauté dont peut faire preuve l’être humain. Nous retenons surtout que l’humain peut faire de belles choses. Grâce au théâtre et aux talents de ses protagonistes, nous prenons part en 2020 à la quête illusoire et au rêve américain version 1920 de Gatsby

Et vous, à quoi ressemble votre Gatsby ?

Bande annonce – Gatsby le magnifique

Gatsby le magnifique

Au Théâtre du Châtelet, 2 rue Edouard Colonne 75001 Paris

Du 16 au 20 février 2022  

Une création France Culture, d’après Gatsby le magnifique de Francis Scott Fitzgerald

Mise en scène : Alexandre Plank ; Musique originale et direction musicale : Issam Krimi ; Adaptation : Pauline Thimonnier

Avec : Sofiane Zermani, Lou de Laâge et Pascal Rénéric ; Piano, claviers et laptop : Issam Krimi Trompette et effets : Shems Bendali ; Quatuor à cordes : Le Quatuor Mona

Eve-Marie Leroy

Eve-Marie Leroy

Enfant d’une mère passionnée de films musicaux et d’un père amateur de jazz et d’opéra, je ne pouvais que tomber dans la marmite des comédies musicales. Cela fait 30 ans que Mary Poppins est entrée dans ma vie et depuis, je jongle entre les classiques de Broadway mêlant claquettes et chapeaux haut de forme et les propositions plus avant-gardistes. Grande admiratrice d’Andrew Lloyd Webber dans un corps de Responsable Ressources Humaines, MusicalAvenue est l’occasion pour moi d’intégrer une troupe de passionnés de cette belle discipline qu’est le Musical
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