Dans le cadre de sa tournée nord-américaine, l’acclamé spectacle Hadestown est de passage à Ottawa pour quelques dates exclusives. Grande gagnante de la 73e cérémonie des Tony Awards où elle a récolté huit statuettes, cette ambitieuse et originale comédie musicale nous invite à un voyage aller-retour aux enfers teinté de sonorités folk et jazz.
Un parcours atypique
Et quel voyage ! Déjà Hadestown en a fait un lui-même avant d’être sacrée meilleure comédie musicale en 2019. Née sous la plume de la chanteuse Anaïs Mitchell en 2006, elle voit d’abord le jour sous la forme d’un spectacle chanté et sans chorégraphie, présentés dans le Vermont. Transformée en album concept en 2010, elle navigue ensuite entre New York (Off-Broadway), Edmonton et Londres à partir de 2016, avant d’arriver à Broadway en 2019. Affinée et étoffée au fil des années, elle a le mérite d’avoir été conçue par une équipe entièrement féminine.
Deux mythes pour le prix d’un
Bienvenue à Hadestown, où une chanson peut changer votre sort. Dès les premières minutes, le messager des dieux, Hermès, avertit le public : une tragédie s’apprête à se dérouler sous ses yeux. Inspirée du mythe grec d’Orphée qui se rend aux enfers pour sauver sa fiancée Eurydice, l’histoire en entrelace aussi un autre : celui du roi Hadès et de sa femme Perséphone. Deux couples aux quatre destins enchevêtrés dont les mythes sont revisités dans le but de les rendre actuels. Pourtant, dans Hadestown, le temps et les lieux ne sont pas clairs. Le monde post-apocalyptique dépeint ne prend pas place pour une fois pas dans le futur, mais plutôt dans le passé. La Grande Dépression est évoquée dans un décor qui rappelle celui du Vieux Carré français de La Nouvelle-Orléans avec ses balcons en fonte et son architecture typique. La mine dirigée par Hadès sous terre évite, quant à elle, le piège des flammes pour jouer plutôt sur un éclairage d’ampoules LED et les gestes répétitifs des mineurs. Du coup, tout au long du spectacle, une atmosphère unique et enivrante est créée, juxtaposant les époques, entre le bar clandestin et l’amphithéâtre grec. Avec les sept musiciens de l’orchestre directement sur scène, une ambiance bluesy complète le tableau pour le rendre encore plus intimiste et captivant.
Une mise en scène ingénieuse
Quand chaque élément est à sa place, quand tout s’emboite et s’entremêle pour ne faire qu’un, c’est qu’on est face à une œuvre particulièrement puissante, surprenante et audacieuse. Par son originalité, sa force, son intelligence et sa sensibilité, Hadestown relève ce défi. Il y a, déjà, cette mise en scène ingénieuse et rythmée qui sait créer de la magie à partir de pourtant peu de choses, utilisant les décors pour faire évoluer les personnages séparément et en même temps ensemble. Les limites de la scène sont aussi sans cesse repoussées, notamment avec l’astucieuse utilisation de la plaque tournante au sol.
Outre les décors, les jeux de lumière et les chorégraphies sont continuellement au service de l’action, d’ailleurs très bien ficelée. Ils sont tantôt empreints de poésie, tantôt durs, suivant les notes de la partition qui voyage dans des univers musicaux similaires et en même temps si distincts. Blues, jazz, pop… Ceux-ci se mêlent entre intensité et douceur pour créer des numéros endiablés ou romantiques.
Une distribution de haut calibre
Cette production de Hadestown se démarque finalement par une distribution de très haut calibre. Tant dans leurs jeux, que dans leurs voix – chacun des artistes possède une véritable signature vocale – les cinq interprètes principaux sont formidables, enchaînant les numéros avec toujours plus de maîtrise. C’est simple, on cherche les faiblesses chez les uns, comme chez les autres, mais tous sont irréprochables et nuancés. Les rôles secondaires suivent aussi cette règle et autant dans les solos que dans les numéros d’ensemble, l’excellence est au rendez-vous.
Hadestown réussit ainsi à créer un univers qui lui est propre, ne ressemblant à aucun autre. Le spectacle raconte peut-être des histoires bien connues, mais d’une façon tellement nouvelle que c’est comme si on les découvrait pour la toute première fois. Visuellement épatant, il sort véritablement du lot par sa conception scénique, ses mélodies attrayantes et sa distribution triée sur le volet. Cerise sur le gâteau, il parvient à lier des mythes anciens à des thèmes qui résonnent encore aujourd’hui. À ne surtout pas rater jusqu’au 27 août à Ottawa.
Crédit photo : T Charles Erickson

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