Critique : "La Petite fille aux allumettes" au Théâtre de la Renaissance de Paris

Temps de lecture approx. 7 min.

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Nous l’annoncions il y a quelques semaines, la reprise de l’adaptation musicale du conte d’Andersen a pris ses quartiers dans le Théâtre de la Renaissance parisien le 20 octobre dernier. L’occasion pour nos chroniqueurs en herbe Adam  (6 ans) et Célia (4 ans) – trop petits à la création du spectacle en 2015 – de poursuivre leur exploration de la saison jeune public, et de découvrir cette œuvre nommée aux Molières en 2016.
Adapter un conte tragique pour le jeune public : pari réussi
C’est un pari audacieux que de créer une comédie musicale jeune public à partir d’un conte qui, dans son niveau de lecture élémentaire, raconte la mort d’une petite fille dans des circonstances épouvantables. A ce titre, le livret d’Anthony Michineau est un petit chef d’œuvre de poésie et d’imagination. Sans trahir le conte d’Andersen, les auteurs ont fait de cette histoire une fable fantastique, qui voit la petite fille partir dans une quête pour sauver le Royaume Imaginaire.
Chez l’auteur danois, les allumettes dénonçaient métaphoriquement le contraste entre la misère et l’opulence. Celles du spectacle constituent un moyen de transport magique vers un monde dans lequel la grand-mère d’Emma est la Reine d’un Royaume en danger. En effet, le cruel Fragotov a gagné pouvoir et influence en aspirant les âmes des enfants, et il ne lui manque plus que celle d’Emma pour asseoir sa domination et prendre le pouvoir.

Dans ce très bel écrin qu’est le Théâtre de la Renaissance, enfants et parents ont été émerveillés par les décors et les lumières, au service d’une mise en scène intelligente et d’une technique qui frôle la perfection. Impossible de ne pas souligner la qualité exceptionnelle des costumes créés par Jackie Tadéoni et David Kawena, qui complètent cet ensemble visuellement très réussi. Adam a d’ailleurs indiqué avoir particulièrement apprécié celui du cruel Fragotov… enfin, quand il a trouvé le courage de regarder sans se cacher sous son siège.
Une lecture difficile pour les tout-petits
Le spectacle débute par un scène abrupte, dans laquelle on voit la jeune héroïne brutalisée par le directeur de l’orphelinat et les autres enfants. Adam et Célia en ont paru particulièrement affectés, et ne sont parvenus à desserrer les dents qu’après la première allumette et l’arrivée d’Emma au Royaume Imaginaire. Adam a particulièrement apprécié ce premier tableau coloré et joyeux dans lequel la petite fille est accueillie comme une princesse au royaume de sa grand-mère, incarnée avec beaucoup de classe par Angélique Magnan (Le Magicien d’Oz ; La Boule Rouge).
Quant à Célia, elle a passé le reste de l’après-midi à nous expliquer combien Madame Olga (pardon Ouuulga), campée par une Gaëlle Gauthier (Mamma Mia! ; Les Nouvelles Aventures de Robin des Bois) méconnaissable, était « rigolote ». Son accent slave prononcé rendait parfois difficile la compréhension, mais rien de trop gênant. Quant à Adam, il a indiqué que son personnage préféré était Emma, jouée par une Lilly Caruso talentueuse qui arrive à nous convaincre qu’elle est cette petite fille courageuse. Monstro Falco, interprété par Nicolas Soulié, est l’autre personnage qui beaucoup plu aux enfants, même si Adam a mis plus de temps que Célia à se détendre, le monstre prétendument effrayant se muant en un nounours plutôt amusant. Côté parents, on a beaucoup apprécié la douceur d’Alexandre Faitrouni (Grease ; 31) dans le rôle de Sasha.

Célia a tout de même manifesté un certain ennui après 15-20 minutes de spectacle et son envie de rentrer à la maison. Le livret n’est en effet pas évident à appréhender pour les plus petits, d’autant que le rythme est un peu lent au début de la pièce. De plus, dans la première partie du spectacle, les personnages ont tendance à beaucoup crier, sans que cela soit nécessairement justifié par les événements. C’est d’ailleurs un piège dans lequel tombent beaucoup de spectacles jeune public, les cris étant à tort utilisés pour insuffler artificiellement de l’énergie.
Les spectateurs sont définitivement embarqués lorsque la quête démarre, c’est-à-dire dès qu’Emma décide d’affronter le cruel Fragotov, à qui il ne manque plus que d’aspirer l’âme de la petite fille avant de devenir le maître du Royaume Imaginaire.
De très belles chansons de comédie musicale
On doit les chansons au duo Ludovic-Alexandre Vidal (paroles) et Julien Salvia (musique), dont le spectacle multi-récompensé aux Trophées de la Comédie Musicale Les Aventures de Tom Sawyer attaque sa deuxième saison actuellement au Théâtre Mogador. Comme à leur habitude, ils livrent une copie impeccable, sur une orchestration plutôt agréable de Shay Alon (Oliver Twist). Leur grand talent est certainement d’être capable par leurs chansons de sublimer le voyage entre des univers différents, à l’aise aussi bien avec l’énergie joyeuse de « C’est ça d’être un bon pirate ! » qu’avec l’émotion sublime de « Il est l’heure de dormir ».
Comme souvent dans ces cas-là, le recours à une bande-son enlève un peu de force à la musique et on rêverait de l’entendre jouée par un véritable orchestre. C’est peut-être une des raisons pour lesquelles on ne ressort pas forcément de la représentation avec des mélodies en tête, comme cela peut arriver avec d’autres comédies musicales. Heureusement, l’écoute du CD du spectacle permet d’appréhender ses chansons plus sereinement et de les apprécier d’autant plus. Ecoute qui a été réclamée par les enfants dès notre arrivée à la maison après le spectacle. 

La scène finale qui voit la petite fille s’endormir définitivement et rejoindre le Royaume Imaginaire pour y prendre sa place de princesse à côté de sa grand-mère est un moment de grâce, d’une poésie incroyable. C’est la gorge serrée et des larmes plein les yeux qu’il nous a fallu essayer d’expliquer aux enfants cette séquence subtile, dans laquelle on voit Emma sur scène contempler son corps sans vie, tandis que son âme voyage définitivement vers le Royaume Imaginaire. Ainsi, le spectacle fournit prétexte et support pour aborder le sujet délicat de la distinction entre le corps et l’esprit avec les enfants. Même si entre deux sanglots (des parents), ce n’est pas simple !
La qualité incontestable du spectacle proposé sur la scène du Théâtre de la Renaissance démontre que la nomination aux Molières 2016 n’est certainement pas galvaudée. La comédie musicale propose différents niveaux de lecture qui satisferont parents et enfants de tout âge. Célia n’a évidemment pas saisi tous les enjeux du livret, mais elle était intarissable en sortant. Les enfants sensibles doivent être accompagnés de près pendant la représentation. Même s’il était enthousiaste en sortant, Adam a souffert pendant la représentation et a eu besoin qu’on lui parle beaucoup. Il n’est que rarement parvenu à profiter des moments joyeux, trop submergé par ses émotions entre peur et tristesse. La Petite fille aux allumettes est un spectacle à ne pas manquer, car il place la comédie musicale jeune public à un niveau rarement atteint dans l’Hexagone. Attention à prévoir les mouchoirs…
Retrouvez la bande-annonce de La petite fille aux allumettes :

Crédits photos : Florian Cléret et Alfred Perrin



La petite fille aux allumettes, de Julien Salvia, Ludovic-Alexandre Vidal et Anthony Michineau, d’après le conte de Hans Christian Andersen
Depuis le 20 octobre de 2018
les samedis et dimanches, tous les jours pendant les vacances scolaires à 14h (relâche les 26 octobre, 25 décembre et 1er janvier)
Au Théâtre de la Renaissance
20, Bd Saint-Martin
75010 Paris
Musique : Julien Salvia ; Paroles : Ludovic-Alexandre Vidal ; Livret : Anthony Michineau ; Orchestrations : Shay Alon ; Mise en scène : David Rozen ; Lumières : Alex Decain ; Chorégraphies : Johan Nus ; Costumes : Jackie Tadéoni ; Décors : Juliette Azzopardi / David Kawena / Ateliers Jipanco ; Visuels : David Kawena ; Maquillages : Christine Lemarchand ; Perruques et coiffures : Caroline Bitu ; Postiches : Réjane Selmane
Avec (en alternance) : Lilly Caruso, Florian Cléret, Marlène Connan, Sophie Delmas, Alexandre Faitrouni, Gaëlle Gauthier, Eva Gentili, Maxime Guerville, Véronique Hatat, Julien Mior, Nathalie Lermitte, Angélique Magnan, Loaï Rahman, Sébastiao Saramago, Nicolas Soulié.
Nous avons vu : Lilly Caruso, Alexandre Faitrouni, Gaëlle Gauthier, Eva Gentili, Julien Mior, Angélique Magnan, Loaï Rahman, Nicolas Soulié.
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