Dessin animé culte des années 90, Hercules a séduit toute une génération avec ses chansons iconiques et ses personnages attachants. Après 30 ans d’attente, est-ce que son adaptation en comédie musicale se rapproche du nectar des Dieux de l’Olympe, ou nous a-t-il plutôt laissé au purgatoire de l’indifférence ?
DU GOSPEL PUR
50ème long métrage d’animation des Studios Disney, Hercule est un dessin animé réalisé par John Musker et Ron Clements sorti en 1997 et s’inspirant librement du personnage de la mythologie gréco-romaine. Alors que Zeus vient tout juste d’emprisonner les Titans dans le Tartare, son frère Hadès aimerait quant à lui prendre sa place au sommet de l’Olympe. Il demande alors de l’aide aux Moires, divinités du destin, qui lui apprennent que les planètes s’aligneront dans 18 ans pour libérer les Titans de leur prison et lui permettre de régner sur l’Olympe à moins qu’Hercules, fils de Zeus et Héra, renverse ce plan maléfique. Il va donc tout faire pour l’en empêcher.
Il aura fallu attendre 2019 pour découvrir la toute première adaptation scénique d’Hercules au Delacorte Theater de Central Park à New York. Afin d’étoffer la musique du spectacle, Alan Menken et David Zippel ont repris du service afin d’écrire de nouvelles chansons pour le spectacle. Essuyant des critiques mitigées, le spectacle ne joua qu’une semaine mais eu le mérite de faire revenir Roger Bart (Back to the Future) dans le rôle d’Hadès alors qu’il doublait la voix d’Hercule dans le film original ! 4 ans plus tard, une nouvelle production retravaillée fait son arrivée au Paper Mill Playhouse en banlieue de New York avant d’ouvrir en 2024 à Hambourg une fois de plus sous des critiques relativement tièdes aussi bien au niveau du public que des journalistes. C’est avec une immense attente et une certaine émotion que nous nous sommes rendus au Royal Drury Lane Theatre, ancienne maison de Frozen, au lendemain de la première pour découvrir cette nouvelle comédie musicale Disney. Plus proche du Zéro que du Héros, nous allons vous expliquer comment ce demi-dieu nous a laissé sur notre faim.

un DEMI-dieu en demi teinte
Sur le papier, tout porte à croire qu’Hercules ne peut être qu’un succès retentissant. Un univers visuel pouvant permettre toutes les extravagances les plus folles, une histoire touchante et puissante permettant de s’attacher aux personnages en passant du rire aux larmes mais également des chansons iconiques (« Zero To Hero », « A Star Is Born », « I Won’t Say » et bien évidemment « Go To The Distance » qui avait même été nommée aux Oscars à l’époque). Malgré toutes ces possibilités, l’adaptation scénique n’a malheureusement pas su en tirer parti en modifiant énormément de choses pour le pire plutôt que pour le meilleur.
Visuellement le spectacle commence avec de magnifiques colonnes grecques qui resteront en mouvement pendant près de deux heures ainsi que de superbes vidéos ressemblant à des mosaïques permettant de dépeindre les différents environnements de l’Olympe aux Enfers. Alors que Frozen ou Mary Poppins nous avaient habitués à de nombreux décors et univers différents, Hercules ne changera quasiment jamais d’endroit à part pour descendre avec Hadès dans les Enfers grâce à une passerelle peu convaincante, ou bien pour nous emmener dans les jardins de Megara, un des meilleurs moments du spectacle grâce à la chanson « I Won’t Say I’m In Love ». Le peu d’accessoires complémentaires laisse à désirer tout comme les costumes de monstres manquant cruellement de budget, à l’image de ce mystérieux mélange entre un loup et un dinosaure, ou encore du Cyclope tout droit sorti d’un magasin de farce et attrape. Même l’Hydre de Lerne et ses multiples têtes peine à surprendre par son manque d’ambition et de créativité. En parlant de costumes, on appréciera notamment les différents visuels des Muses qui ne cessent de nous impressionner à l’inverse de la tenue d’Hercules qu’on dirait tout droit sortie des soldes de Decathlon. Même constat pour le costume d’Hadès donnant plus l’impression qu’il vient d’un cabaret de Las Vegas plutôt que des Enfers. Vous l’aurez compris, la direction artistique du spectacle est malheureusement éparpillée et déçoit plus qu’elle ne séduit dans l’ensemble. De nombreux choix esthétiques restent très discutables alors qu’il y aurait eu tellement à faire avec ce magnifique thème.

Même constat au niveau de la musique où les chansons originales ont été réorchestrés pour les rendre moins bonnes et où les nouvelles mélodies créées spécialement pour le spectacle peinent également à convaincre. Là où Alan Menken avait réussit haut la main, avec Sister Act notamment, le pari de créer de magnifiques moments gospels, les nouveaux thèmes d’Hercules manquent cruellement de vie et de swing. Que ce soit un mauvais numéro de claquettes pour Hadès inclut au chausse-pied ou les solos d’Hercule, les artistes font ce qu’ils peuvent pour briller avec ce qu’on leur donne. La palme de la déception revient malheureusement à Luke Brady qui, même s’il nous avait convaincu dans The Prince of Egypt, offre ici une interprétation désincarnée du demi-Dieu Grec sans relief ni émotion. Là où « Go To The Distance » aurait du nous faire frissonner avec la larme à l’œil, on se retrouve avec un moment sans éclat, la faute également à une mise en scène sans surprise et un livret qui sur la globalité du spectacle enchainera les punchlines pour tenter de faire rire parents et enfants sans forcément y arriver.
Malgré tout, un point et un seul réussi à soulever le spectacle en nous disant que tout n’est pas perdu : Les Muses ! Véritable girls band survitaminé, chacune de leurs apparitions fait mouche et réveille la salle en un instant. Incroyables vocalement, ces divinités aux costumes flamboyants nous rappellent pourquoi nous aimions tant ce dessin animé et il aurait fallu parier un peu plus sur leur présence au fil du show afin de lui donner la vie et l’humour qui leur manque. Vous l’aurez compris, Hercules n’est pas le coup de foudre tant attendu mais il a le mérite de présenter sur scène une des plus belles histoires Disney des années 90. Même si la déception est au rendez-vous, vous passerez un agréable moment avec les Dieux de l’Olympe.
Crédit Photos : Johan Persson, Matt Crockett