3 ans après sa création à l’Opéra-Comique, La Petite Boutique des horreurs revient à Paris pour un grand moment de burlesque horrifique !
L’étrange mélange d’un film de série B, d’une histoire qui tourne au carnage et des mélodies à succès
Bienvenue dans le ghetto ! Un endroit où il ne fait pas bon vivre et où les habitants se sentent prisonniers de leur condition sociale… jusqu’au jour où un orphelin fleuriste découvre une plante étrange et intéressante. Sa protégée, au déroutant régime alimentaire, va changer sa vie et celle de tout le quartier. Derrière cette réécriture déjantée du mythe de Faust, se trouve à l’origine un film de série B, un nanar horrifique signé Roger Corman. Il est adapté en comédie musicale dans les années 1980 et présenté Off-Broadway où son succès ne cesse de perdurer.

Le spectateur qui découvre l’histoire de La Petite Boutique des horreurs aura du mal à croire que la partition et le livret sont signés Alan Menken – Howard Ashman : le duo à qui l’on doit, quelques années plus tard, les plus grands succès des studios Disney (La Petite Sirène, La Belle et la bête). Et pourtant, cela explique que, même en découvrant le spectacle, celui-ci présente une certaine familiarité : les mélodies qui le composent résonnent avec des airs entrainants qui font désormais partie de nos imaginaires collectifs.
Une esthétique particulièrement soignée
Pour compléter ce cocktail hétéroclite, la mise en scène est signée Valérie Lesort et Christian Hecq (Les Voyages de Gulliver, La Mouche). L’attention qu’ils ont portée à la qualité plastique du spectacle est incontestable : visuellement, on retrouve un imaginaire visuel digne d’un cartoon. Les petits détails transforment un décor statique en source de surprises où rien n’est superflu : chaque accessoire même insignifiant possède son rôle dans la narration et contribue à manifester visuellement le succès croissant de la boutique Mushnik & Fils. La boutique est une petite merveille de décor : modulable, elle permet de limiter les passages au noir au strict minimum et d’intégrer avec fluidité les changements de marionnette végétale pour la plus grande surprise des spectateurs.

Les costumes hauts en couleur, et les superbes perruques qui les accompagnent ont bien mérité leur Trophée de la meilleure création Costumes en 2023 : bariolés et soignés, ils sont le miroir de la personnalité de ceux qui les portent. Bien que la propreté et l’éclat des couleurs des tissus contrastent avec le cadre de l’histoire dans un quartier supposé mal famé, ils rappellent un univers de dessin animé et rajoutent à l’ambiguïté volontaire du propos entre humour (noir) et horreur (burlesque).
Les choix de mise en scène mettent en avant la dimension burlesque du spectacle. Derrière le pur divertissement, le spectateur du XXIe siècle en quête d’une lecture plus politique y trouvera des propos sur les violences faites aux femmes ou sur la place laissée à la nature par les ambitions dévorantes des humains.
La scénographie imaginée pour l’Opéra-Comique semble plus à sa place sur la scène plus petite de la Porte Saint-Martin : en 2022, la boutique apparaissait perdue sur un large plateau difficile à occuper pour ses 8 interprètes et 8 danseurs ; en 2025, elle occupe la majeure partie de la scène et apporte une dimension plus intime particulièrement bienvenue pour établir une complicité et captiver le public.

Une troupe de tous les superlatifs
Dans cette version 2025, on retrouve le couple qui a créé le spectacle il y a trois ans. Tous deux issus du milieu lyrique, ils ont su trouver leur place dans ce répertoire plus éloigné de l’opéra : Seymour est campé par Guillaume Andrieux, maladroit et naïf comme il faut. Sa partenaire sur scène, Judith Fa, nous présente une Audrey fragile et niaise à souhait qui rêve de mixeurs et machines à laver. Le trio vocal digne des tragédies grecques rassemble les talentueuses Anissa Brahmi, Laura Nanou et Sofia Mountassir (lauréate du Trophée du 2nd rôle féminin en 2023).
Deux nouveaux interprètes bien connus des amateurs de comédie musicale rejoignent la distribution du spectacle : David Alexis (Les Misérables, Molière, Cabaret) dans le rôle de l’opportuniste Mr. Mushnik et Arnaud Denissel (Charlie et la chocolaterie, Madagascar) dans le rôle du sadique et psychopathe dentiste Orin Scrivello.
Avec ces deux nouvelles recrues, le spectacle gagne en fluidité et le spectateur est bien moins dérangé par le passage des voix de comédie musicale aux voix lyriques comme cela pouvait être le cas à l’Opéra-Comique.

Derrière cette superbe distribution, la véritable étoile du spectacle demeure la plante : au cœur de l’intrigue comme de la scène, elle se déploie jusqu’à envahir tout l’espace scénique. Présentée comme une marionnette grandissante, elle fascine et effraie le spectateur. Elle est incarnée par un duo talentueux du chanteur Daniel Njo Lobé (Gypsy) et du marionnettiste Sami Adjali qui parviennent à coordonner la voix aux mouvements de la plante de manière particulièrement convaincante.
La Petite Boutique des horreurs est un spectacle qui sur le papier a tout pour horrifier et pourtant, c’est la promesse d’une soirée débordante de bonne humeur et de rire face à l’absurdité d’une intrigue tout en superlatifs et des mélodies entrainantes. Cette reprise mérite d’être (re)découverte et les évolutions réalisées depuis sa création permettent de remédier aux principales faiblesses qu’avaient le spectacle en 2022.