Critique : “Le Bel Indifférent”, du 11 octobre au 12 novembre 2023 au Théâtre de L’Atelier

Temps de lecture approx. 4 min.

Était-ce une bonne idée d’adapter Le Bel Indifférent en comédie musicale aux sonorités pop rock ? Le texte écrit par Jean Cocteau pour Edith Piaf il y a plus de 80 ans prend une nouvelle identité grâce à Romane Bohringer, chanteuse star pour l’occasion. Si les mots peuvent sembler avoir parfois vieillis, la scénographie immersive et ultra réaliste nous transporte dans un amour toxique.

Il y a des sujets qui ne vieillissent pas et l’appel d’une femme amoureuse ignorée par son amant résonne efficacement encore pour le public. L’œuvre conçue comme un monologue s’inscrit dans le projet d’une trilogie autour de trois portraits de femmes imaginées par Jean Cocteau. Edith Piaf porta à merveille le costume de la femme oubliée et laissa au récit un fort écho. 

Dans l’adaptation de Christophe Berton, le récit se déroule en 2023. A la fin de son concert, une chanteuse se précipite dans sa chambre d’hôtel pour y retrouver son jeune amant et attendre. Quand il daigne arriver, il refuse de lui parler. Elle décide alors de le défier et de faire parler le plus profond de son être.

Le Bel Indifférent
Crédit Photo : Théâtre de l'Atelier

En immersion

Au-dessus d’une scène vide prend place une deuxième scène, celle d’un concert rock et de sa chanson finale. De grands écrans projetés sur la scène principale renvoient les images de Romane Bohringer dont l’énergie n’est pas sans nous rappeler celle des grandes stars de stade. Le concert fini, nous la suivons sur son chemin solitaire la menant à sa chambre d’hôtel. La scène d’ouverture prend des allures de salle de cinéma. Les vidéos de nuit d’un Séoul brûlant et lumineux contrastent le vide de cette femme obsésée par la recherche de l’autre.

Le Bel Indifférent
Crédit Photo : Théâtre de l'Atelier

Par cette scénographie sans fausse note, Christophe Perton concède une identification au récit qui aurait pu être surannée pour le public. Deux versions du Bel Indifférent furent écrites dont l’une sous la forme d’un long poème qui sert aujourd’hui de base à la partition musicale de Maurice Marius et Emmanuel Jessua. Les chansons s’entrelacent au monologue avec plus ou moins de facilité. Peut-être est-ce dû à la difficulté de rendre le texte intelligible. Peut être est-ce dû à l’effet coupure des transitions qui ne fonctionne pas toujours. Néanmoins, les 5 musiciens restés sur la deuxième scène, apportent énormément au jeu du couple, accompagnant l’évolution de leur relation grâce à des propositions musicales assez différentes et actuelles.

Le Bel Indifférent
Crédit Photo : Théâtre de l'Atelier

Le nouveau duo Piaf/Meurisse

Pour incarner cette tête d’affiche, le choix de Romane Bohringer est très intéressant. Dans son costume de rock star, les premières notes sont imparfaites. Pour apprécier le texte, il faut accepter l’irrégularité du chant et les cassures dans cette voix qui fait plus que chanter. Nous retrouvons l’actrice connue pour ses propositions fortes et engagées à 100%. A l’instar d’Edith Piaf très souvent exaltée, Romane Bohringer devient cette chanteuse et esquisse son personnage de manière très physique. Comme pour répondre à son partenaire qui ne dit pas un mot mais s’exprime par le jeu du corps.

Le Bel Indifférent
Crédit Photo : Théâtre de l'Atelier

L’indifférent est le danseur Tristan Sagon. Il est beau, jeune et incarne avec beaucoup de violence le mépris voulu par le rôle. Tout d’abord par sa posture droite et immuable et par ses gestes millimétrés. Le combat va crescendo et les chorégraphies sont de plus en plus rapides. La protagoniste y prend aussi part, affirmant sa présence et combativité dans la relation. Comme pour compléter ce que le texte ne dit pas, la danse contorsionnée du jeune éphèbe révèle les grandes étapes de cette relation présentée comme un deuil : le déni, la colère, la tristesse et enfin l’acceptation.

Contrairement au duo Piaf/Meurisse en couple dans la vie, le duo Bohringer/Sagon s’aligne avec beaucoup de grâce et de puissance sous les yeux de ses prédécesseurs ; les musiciens investis assistent à leur déclin. 

Comment rester indifférent à cette nouvelle version qui a su apprivoiser la quintessence du récit original ?

Réservations par ici.

Le Bel Indifférent
Picture of Eve-Marie Leroy

Eve-Marie Leroy

Enfant d’une mère passionnée de films musicaux et d’un père amateur de jazz et d’opéra, je ne pouvais que tomber dans la marmite des comédies musicales. Cela fait 30 ans que Mary Poppins est entrée dans ma vie et depuis, je jongle entre les classiques de Broadway mêlant claquettes et chapeaux haut de forme et les propositions plus avant-gardistes. Grande admiratrice d’Andrew Lloyd Webber dans un corps de Responsable Ressources Humaines, MusicalAvenue est l’occasion pour moi d’intégrer une troupe de passionnés de cette belle discipline qu’est le Musical
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