Entre deux programmations plutôt “tradi”, de Hello, Dolly! en début d’année à prochainement Les Demoiselles de Rochefort, le Lido 2 s’illustre en proposant au public français de découvrir l’hilarant Titanique dans une nouvelle production. Ne faisant pas dans la dentelle, le spectacle casse pratiquement tous les codes de la comédie musicale classique. Disons-le, c’est certainement la meilleure production qu’a pu proposer la scène mythique des Champs-Elysées depuis sa réouverture. Quelle claque !
Du off au On ?
Titanique fait partie de ces spectacles qui ont fait un sacré bout de chemin, et qui a tout emporté sur son passage ! Lancée en fanfare en juin 2022 à l’Asylum Theater, cette parodie co-signée par Marla Mindelle, Constantine Rousouli et Tye Blue a immédiatement fait sensation off-Broadway. Sur scène, Mindelle (vue dans Sister Act et Special sur Netflix) et Rousouli (Cruel Intentions, Hairspray) se glissaient avec humour dans la peau de Céline Dion et Jack Dawson. Le succès est fulgurant : prolongations à guichets fermés, puis transfert au Daryl Roth Theatre dès novembre 2022. Une moisson de récompenses pour la suite, sept prix majeurs, dont le Lucille Lortel Award et l’Off-Broadway Alliance Award de la meilleure nouvelle comédie musicale. Boosté par cet accueil triomphal, Titanique a ensuite fait chavirer Sydney, Montréal, Toronto et se joue actuellement à Londres.
Titanique et non pas Titanic
Et si on partait du principe que Céline Dion avait été à bord du Titanic, est-ce que le destin des 2201 passagers à bord aurait été le même ? C’est une toute autre version que le film de 1997 que les créateurs – de génie – proposent au travers de cette parodie dont l’histoire est certes basée sur le chef d’œuvre de James Cameron, mais dans avec une grosse dose de pastiche.
Imaginez Céline Dion – version robe pailletée de Las Vegas bien entendu – prendre le contrôle d’une visite dans un musée consacré au Titanic. Elle seule peut rétablir la vérité sur ce qui s’est réellement passé, sur finalement les “off” qui ont été cachés aux spectateurs. À l’époque, Tye Blue mettait en scène des spectacles à Los Angeles en détournant les films du moment au moyen de sketchs humoristiques et de medley de chansons pop. L’idée de parodier le Titanic s’est imposée naturellement à lui, avec en prime Céline Dion en maîtresse de cérémonie.
Sur fond de répertoire de Céline Dion, le spectacle d’1h40 sans entracte se vit à la fois comme une caricature à outrance de ce que représente le genre de la comédie musicale et les mimiques légendaires de la star internationale, et comme un témoignage de gratitude de tout ce que ce personnage apporte de façon générale. Tout y est exagéré mais domestiqué dans la folie du moment. En faisant des références de pop culture – pas toujours maîtrisées par le spectateur – un pilier du livret, la formule pastiche n’en est que plus forte.
Aussi, l’approche sans compromission peut être clivante et couper le public de la dynamique de la comédie. Pour les spectateurs “plus hermétiques” à la parodie, la production parisienne que le Lido 2 officie vaut intégralement la peine de dépasser ses limites. C’est un sans faute.
En direct du César Palace de Las Vegas
La production parisienne est annoncée comme la plus importante à ce jour. La vision portée par les différentes scénographies existantes s’articule pleinement autour d’une approche sous format « concert » très forte ; celle présentée en France renforce l’expérience et assume totalement la grandeur des shows américains de Céline Dion. Le “trop plein” d’énergie (de façon positive) de certains passages crée ce côté explosif maintenu par des lumières particulièrement bien instrumentalisées et se reflétant aisément dans les blocs colorés des éléments de décors.
L’ensemble de la distribution est tout simplement parfait. Chaque artiste a su s’approprier la clownerie du personnage et adopter le pas de côté qui va avec. Dans cet exercice compliqué qu’est la parodie, leur jeu s’organise entre boutades et de nombreuses références dédiées spécialement au public français. Bien que leur interprétation retienne l’attention, le niveau vocal finit de conquérir le public qui revit pleinement les grandes années musicales de notre chanteuse québécoise préférée. Astrid Harris, qui a la lourde tâche de tenir le rôle de Céline Dion, est incroyable dans la représentation faîte de la chanteuse. La part de “trop” de l’artiste est portée à son paroxysme et accompagne magistralement quasiment toutes les scènes.
On retrouve bien évidemment les personnages mythiques du film, dans une version décalée assez évidente finalement. Le couple d’amoureux campé par Jessica Aubrey et Oliver Bales joue terriblement bien les nunuches, pas si innocents que cela. Andrew Pepper, vu dans A Funny Thing Happened on The Way to the Forum persévère dans sa conquête des spectateurs en offrant une facette tordante de la mère de Rose. La célèbre Molly Brown, sous les traits de Jeanny O’Leary offre LE duo imbattable du spectacle. Le titre “Tell Him” n’aura plus la même signification dorénavant. Quant à Sam Ferriday en futur époux de Rose, il se révèle plus gay que l’original. Le public découvre alors que le naufrage aurait pu être évité si le capitaine du bateau, joué par Tim Walton, avait stoppé à temps sa prestation de voguing. On ne dévoilera pas ce qu’il en est du « drag race- iceberg » : le clou de l’histoire !
Tout ce beau monde s’accompagne de musiciens et de choristes pleinement intégrés à la mise en scène et à l’histoire. En haut de scène, sept musiciens reprennent énergiquement les titres interprétés ou repris par la diva. Les choristes et danseurs enrobent la distribution et parfont l’image d’ensemble.
Depuis sa réouverture, le Lido 2 n’a cessé de proposer des productions d’excellence. Avec Titanique, le public n’est pas en reste. C’est sans doute la plus belle production que le théâtre nous ait offert. Avant les Demoiselles de Rochefort ?
Vous avez jusqu’au 22 juin pour réserver votre visite privée animée par Céline Dion en personne ! Un indispensable dans votre répertoire des spectacles musicaux à découvrir.
Crédit Photos : Julien Benhamou
