Musical Avenue a eu la chance de rencontrer l’homme aux mille casquettes : Fred Radix. Auteur, metteur en scène, comédien, siffleur, chanteur et compositeur, l’artiste nous révèle des infos inédites sur son spectacle La Claque, nommé sept fois aux Trophées de la Comédie Musicale. Pour ceux ou celles qui ne l’ont pas encore vu, rassurez-vous, la folle histoire d’Auguste Levasseur (Fred Radix dans La Claque) revient dès septembre au Théâtre de la Gaité Montparnasse et part en tournée dans toute la France.
Musical avenue (m.a) : Comment vous est venu l’idée de monter La Claque ?
Fred Radix (FR) : Quand j’étais jeune, on a monté un groupe de rock avec des amis, qui s’est transformé en compagnie de théâtre de rue. On a passé douze ans à parcourir les routes de France, d’Europe, et on a joué en extérieur dans plein de festivals. Et puis quand on a eu la trentaine, chacun s’est dirigé vers là où il voulait aller. Je suis retourné vers la musique, la chanson et la salle. En allant dans les théâtres, j’ai rencontré des régisseurs, des directeurs… J’ai commencé à collecter pleins d’histoires qui m’ont toutes passionné. J’ai créé ainsi mon deuxième spectacle solo Strapontin, qui parle de tous les métiers de l’ombre du théâtre. Depuis, dans mes spectacles j’aime lever le voile sur des histoires que peu de gens connaissent. Un jour, j’ai lu des récits de chefs de claque et je me suis dit qu’il fallait que j’en fasse un spectacle. Le métier du chef de claque, en relation avec le chef d’orchestre, le directeur du théâtre, le compositeur, c’est d’organiser des séances pour faire répéter des claqueurs afin d’anticiper les réactions du public bourgeois. Pour moi qui aime casser le quatrième mur pour trouver une relation avec le spectateur, j’ai trouvé l’histoire parfaite. Je pense que ce spectacle est un divertissement intelligent, où je mêle plusieurs histoires en parallèle et révèle quelque chose d’historique au public.
M.A : Qu’est ce qui a retenu votre attention dans l’histoire des claqueurs ?
F.R : C’est d’imaginer qu’il existait un métier de metteur en scène des réactions du public. C’est fou ! Ce n’est pas si vieux car un des derniers chefs de claque a été licencié en 1907 de la Comédie française. Pendant des années, il n’y avait pas de fauteuils dans le parterre du théâtre. Il était occupé par le bas peuple qui venait, allait, mangeait, parlait et huait. Les bourgeois étaient placés au haut du théâtre et venaient surtout se montrer. A un moment donné, il y a eu la claque : des gens étaient payés pour descendre les spectacles et c’était souvent pour des raisons de concurrence. C’était devenu un système maffieux. Face à cette situation, les directeurs de théâtre ont décidé de faire descendre la bourgeoisie et de mettre le peuple tout en haut, dans le poulailler. En faisant ça, l’organigramme a été bouleversé et il n’y avait presque plus de réactions dans la salle, ni d’applaudissements. Les directeurs de théâtre ont alors mêlé des claqueurs au public sans que celui-ci ne le sache. Dans le spectacle, je partage quelques astuces du métier de chef de claque pour faire applaudir les spectateurs à un certain moment, anticiper différentes réactions, etc…
M.A : Cette histoire favorise donc le coté interactif du spectacle…C’est ce que vous vouliez ?
F.R : Mon personnage donne les codes de la claque dans les quinze premières minutes et ensuite le public s’en empare. On a des moments complétement incroyables. Parfois la salle se saisit de sa mission de manière impressionnante et drôle : c’est absolument génial. Mon plaisir c’est aussi l’improvisation en jouant avec les réactions du public.
M.A : En quoi est-ce important, pour vous, que le public participe au spectacle ?
F.R : C’est mon héritage du théâtre de rue. Mon but est de capter l’attention du public jusqu’à la fin. J’étais habitué à jouer en extérieur et un rien peut perturber le spectateur : un chien qui passe, un avion qui fait du bruit, un enfant perdu… Il a fallu des années pour me dire que les spectateurs ont payé leur place et qu’ils ne vont pas partir en plein milieu du spectacle. J’ai toujours aimé les moments d’interaction avec le public, c’est mon ADN.
M.A : Le spectacle est souvent décrit comme drôle, théâtral, musical, interactif…Pourquoi ce mélange des genres est-il pertinent selon vous ?
F.R : J’ai commencé ma carrière à 6 ans, je dessinais et je voulais devenir dessinateur de bande-dessiné. Jusqu’à mon adolescence, j’inventais des histoires, des personnages, des costumes…. Au collège, j’ai commencé à écrire des paroles de chansons. Ensuite, j’ai découvert le théâtre de rue. J’ai toujours aimé mélanger musique, théâtre et interaction avec les spectateurs. Le théâtre musical c’est totalement mon domaine. Ce que je souhaite dans La Claque, c’est que le public s’attache aux personnages et qu’ils vibrent avec eux. Je pense que ce sont eux le véritable fil rouge de l’histoire. Chaque personnage a une histoire qui évolue. Je raconte aussi souvent, à travers mes spectacles, qu’il suffit de mettre dans la lumière des gens qui travaillent dans l’ombre pour qu’ils se révèlent.
M.A : Quelle a été votre réaction quand vous avez appris les 7 nominations aux Trophées de la Comédie Musicale pour votre spectacle ?
F.R : C’est beaucoup trop ! (Rires) Mais cela nous fait super plaisir. On est nommés dans un grand nombre de catégories, c’est génial. On est très contents. On va même chanter sur scène lors de la cérémonie des Trophées.
M.A : Selon vous, pourquoi votre spectacle a-t-il été tant de fois nommé ?
F.R : Peut-être parce qu’il y a une homogénéité dans le spectacle et un amour des personnages qui fait que le spectateur n’arrive pas forcément à démêler ce qu’il a vraiment aimé. Peut-être qu’il y a aussi le côté interactif qu’on n’a pas forcément l’habitude de voir dans les comédies musicales classiques…Mystère.
M.A : Vous êtes nommés pour le trophée de l’artiste interprète masculin, la mise en scène, la partition et le livret de la comédie musicale. Comment gérez-vous toutes ces casquettes ? Et en quoi cela peut-il être difficile d’être à la fois metteur en scène et personnage principal de son spectacle ?
F.R : J’ai toujours décidé de tout et j’aime cette liberté. Alors oui, je suis limité dans ce que je sais composer, dans les instruments que je joue… Mais c’est un spectacle qui me ressemble vraiment. Avoir plusieurs casquettes c’est agréable pour l’écriture car j’ai des idées de scénographie que je peux mettre en place. Je fais aussi du montage vidéo, photo… Je suis un bricoleur, j’aime bien maquetter des choses. C’est vrai que la mise en scène peut être un vrai problème : on peut facilement perdre pied. Mais je suis bien aidé par mon équipe.
M.A : Quels sont vos projets pour la suite ? La Claque part-elle en tournée ?
F.R : J’ai plein de projets mais je n’ai pas le temps de les mettre en œuvre donc malheureusement je ne pourrai pas donner une thématique. De nombreux directeurs de théâtre de toute la France, mais aussi de Suisse et de Belgique sont venus voir La Claque, donc nous avons une quarantaine de dates en région l’année prochaine. On revient au Théâtre de la Gaité Montparnasse tous les dimanches, lundis et mardis à partir de septembre jusqu’en janvier. La grande nouvelle c’est qu’il y a trois nouveaux comédiens qui vont faire partie de notre équipe. On ne voulait absolument pas faire une équipe A et une équipe B donc il y aura toujours un mélange des artistes. En raison de la pandémie et des deux confinements, nous avons mis deux ans et demi à faire les trente premières dates. Maintenant on est à plus de 130 représentations. C’est le moment d’amener du sang neuf et de laisser la place à d’autres comédiens pour laisser le temps aux autres de travailler aussi sur d’autres projets. Je suis ravi car je vais avoir le temps d’écrire.
M.A : Comment réagissez-vous face à un tel succès de votre spectacle ?
F.R : C’est un bonheur incroyable d’avoir des salles pleines, cela nous permet de poursuivre La Claque la saison prochaine. Faire un tel succès avec ce spectacle dans ce vieux théâtre de Paris, où un chef de claques a possiblement pratiqué son métier, c’est un rêve qui se réalise.
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