Rencontre : Yanis Si Ah, lauréat du Trophée de la Comédie Musicale de la "Révélation Masculine" 2018

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Il y a presque un an, Yanis Si Ah recevait le Trophée de l’artiste Révélation Masculine lors de la cérémonie des Trophées de la Comédie Musicale 2018 pour son rôle de Kenickie dans Grease – Le Musical. Nous l’avons rencontré pour faire le bilan de l’année écoulée et parler de ses nouveaux projets.

Après avoir foulé les planches de Mogador avec Cats puis Grease, Yanis était cette année au Casino de Paris avec le spectacle We Will Rock You, en plus d’autres projets. Avec un agenda aussi chargé, il aura fallu attendre près d’une année pour pouvoir le rencontrer à la terrasse d’un café à Châtelet. A deux semaines de passer le flambeau du Trophée de la Comédie Musicale  catégorie Interprète Révélation Masculine, il revient sur cette cérémonie, son parcours et les prochaines occasions de le voir sur scène.

Les Trophées de la Comédie Musicale Révélation Masculine

Musical Avenue : Où étais-tu quand tu as appris ta nomination aux Trophées de la Comédie Musicale ?

Yanis Si Ah : J’étais dans l’avion, prêt à partir avec Alyzée Lalande, Astou Malva et Alexis Loizon pour aller chanter au Festival de Cannes. Une amie, Fiona Pince (We Will Rock You ;Jésus – de Nazareth à Jérusalem) m’a envoyé une capture d’écran de la liste des nommés pour les Trophées de la Comédie Musicale 2018, et j’ai dit à Alyzée “Oh, toi aussi t’es nommée”, à Alexis “Oh, toi aussi t’es nommé”, et à Astou “Oh bah toi t’es pas nommée” et on a ri. En fait, je n’ai pas eu le temps d’être content plus longtemps parce que j’ai une phobie de l’avion ! Alyzée me calmait en me faisant faire des exercices de respirations. Je me disais, si ça se trouve j’apprends que je suis nommé et je vais mourir dans l’avion, le karma ! Mais une fois qu’on a atterri, j’étais trop content !

Quelle a été ta première pensée quand tu as gagné ?

Y.S.A. : J’étais dans un état second. Parce que mon meilleur ami Raffaële Lucania (chorégraphe de la cérémonie 2018, ndlr) m’avait  fait une blague quelques jours avant la cérémonie en me faisant croire qu’il avait réussi à savoir que je n’avais pas gagné et je l’ai cru. Donc toute la journée pendant les préparatifs j’étais avec Doryan Ben (nommé dans la catégorie Révélation Masculine en 2018 et pour l’Artiste interprète Masculin cette année 2019), Thomas Bernier et Florie Sourice à encourager Doryan. Et en arrivant dans la salle, comme j’étais installé loin de la caméra, j’étais définitivement convaincu qu’il avait raison. Lorsqu’ils ont dit mon nom, je me suis dit “mais non, il y a une erreur”. A cause de Raffaële, je n’avais rien préparé, et j’ai marché jusqu’à la scène en me disant “merde, je pleure. Qu’est ce que je vais dire ?” D’où le discours “Merci … Pardon … Merci … Pardon”. Je pense que j’étais très content ! Symboliquement parlant, c’était complètement fou pour moi, vu que j’ai commencé tard, de gagner dans une catégorie face à des gens que j’admire (Harry Hamaoui (Les Aventures de Tom Sawyer ; L’enfant qui criait au loup), Jimmy Costa-Savelli (Les Aventures de Tom SawyerHercule dans une histoire à la Grecque), Doryan Ben (We Will Rock You ; Grease), Karim Camara (Hairspray ; We Will Rock You). C’est pour ça que j’étais aussi ému !

Alyzée Lalande (Sandy) et Yanis Si Ah (Kenickie) dans les coulisses de "Grease - Le Musical"

Où as-tu mis ton Trophée ?

Y.S.A. : A la base, dans mon ancien appartement, il était dans l’armoire de mon salon. Maintenant il est dans ma chambre, à côté de Pokémon. Il est un peu caché, avec les trucs que j’aime mais que je n’ai pas envie d’étaler.

Ton parcours

Qui es-tu?

Y.S.A. : J’ai très longtemps refoulé mon envie de faire de l’art, je n’assumais pas que je voulais danser, chanter, jouer. Jusqu’à mes 16 ans où un évènement m’a réveillé et j’ai dit à ma mère que je voulais faire de la danse, et arrêter l’école. Elle m’a dit OK. Elle nous soutient pour qu’on suive nos désirs, même si ce n’est pas le schéma normal. Elle-même a passé son bac à 40 ans, puis son Master. J’avais donc l’exemple à la maison que si je voulais reprendre mes études un jour ou l’autre, c’était faisable. Je suis parti à Paris faire une école de danse pendant deux ans, puis j’ai continué à me former. Et sur ma route j’ai croisé le chant à 20 ans puis la comédie à 22 ans en mode “Salut, ça va? Hey j’aime bien!”. Je n’ai pas fait de grand conservatoire, mais j’ai tout fait à 100% parce que je savais que j’étais en retard, et donc je ne perdais pas une minute. Je continue d’apprendre encore aujourd’hui. Même sur Grease, tous les soirs j’avais des insomnies à force de repenser à ce que j’avais joué faux et à ce que je devais donc faire de mieux sur la prochaine représentation. On était pareils avec Alyzée, on s’échangeait des messages à 5h du matin !
J’essaie d’être le plus polyvalent possible. Je n’arrive pas à me complaire dans un seul truc. On est fait de tellement de couleurs dans la vie ! Je ne suis pas juste quelqu’un de joyeux ou de triste, je ne peux pas faire qu’un seul style de danse ou de chant. Si on me demande si je suis claquettiste, non, mais j’apprendrai !

Pourquoi la comédie musicale ?

Y.S.A. : Je ne me suis jamais dit que je voulais faire de la comédie musicale parce que je ne connaissais pas. Petite anecdote, Mozart – L’Opéra Rock pour moi, c’était un groupe ! (rires) Lorsque je n’ai plus vu de nouveaux clips à la télé, j’ai pensé qu’ils s’étaient séparés. J’étais dans un milieu de danseurs, pas dans la culture de la comédie musicale… J’ai passé l’audition de Cats par hasard, et je n’avais pas conscience de l’importance de Mogador dans ce milieu. La vie m’a proposé des trucs super pour moi qui veux tout faire ; avec Cats j’ai découvert que je pouvais faire du chant et de la danse en même temps, puis avec Grease j’ai ajouté la comédie ! J’adorerais faire du cinéma en plus de la danse sur les plateaux télé et de la comédie musicale sur scène. La comédie m’attire de plus en plus, mais lorsqu’on a une étiquette “comédie musicale”, c’est difficile de s’en détacher dans ces milieux.

Quelles sont tes influences ?

Y.S.A. : Je n’ai pas de grosse influence. J’ai baigné dans une culture où ma mère faisait le ménage en écoutant de l’opéra le matin et du raï le soir. Elle a gardé sa culture et s’est beaucoup ouverte à celle qui l’entourait. Je suis influencé par tout et n’importe quoi. Je suis fan de YouTube, j’adore le principe de pouvoir découvrir des gens qui ne sont connus de personne. Et finalement, les chansons que j’écoute le plus sont celles d’inconnus au bataillon. Je peux trouver un live d’un concert en Australie, adorer ce que la chanteuse dégage et ça ne va pas forcément être Beyoncé. Bon, je suis quand même fan de Camila Cabello, tout le monde le sait ! J’aime beaucoup les autodidactes ! Je peux me nourrir d’un manga, puis après d’une artiste d’opéra et ensuite d’un rappeur. Je suis très très ouvert. Même si certains peuvent trouver que c’est un manque de personnalité, c’est l’inverse, je suis en accord avec toutes les parts de moi-même. Ma mère est une vraie référence pour moi. Avec une telle personne à tes côtés, qui a brisé autant de codes et qui est là où elle n’aurait pas dû être si les circonstances de sa naissance comptaient vraiment, tu ne peux pas te plaindre. Je ne pourrai pas faire le quart de ce qu’elle a fait, alors quand je me sens fatigué, épuisé à un cours de danse, je pense à elle et je me dis « t’abuses ». (rires) 

Quels ont été les moments marquants dans ta carrière ?

Y.S.A. : Grease déjà ! Être pris en Kenickie, c’était fou ! L’audition était très compliquée, car les gens dans les couloirs remettaient en question ma présence : “C’est un gamin”, “ il est reubeu alors que Kenickie est blanc”, etc. Je dégage quelque chose de léger, c’est comme ça que je vis ma vie pour l’aborder de façon optimiste. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a rien derrière. J’ai un masque comme tout le monde, mais il n’est que positivité et respect alors s’il dérange, tant pis. Pour certaines personnes, je ne collais pas avec le personnage de Kenickie, très sexuel et « bad boy », avec du caractère, alors qu’ils ne savent pas ce qu’il se passe une fois la porte de la salle d’audition fermée. Je n’avais pas une très grande confiance en moi à cette époque-là, et leurs remarques me blessaient. A cela s’est ajouté le fait que Stage me connaissait en doublure, un peu foufou et polyvalent. Pour cette audition, j’ai donc commencé par apprendre les textes de Danny, Sonny, Doody, Roger et Kenickie car il y avait le risque d’être catégorisé doublure. Mais finalement, ça l’a fait ! C’est un moment très marquant parce que pour la première fois je faisais de la danse, du chant et de la comédie, et je pouvais défendre un spectacle quotidiennement et pas juste sauver les meubles en tant que doublure. Être doublure est vraiment constructif mais c’est un peu dur pour l’égo, surtout sur Cats où personne ne sait que c’est toi (Rires). Il y a aussi la frustration de ne pas pouvoir faire évoluer un personnage et montrer ce que tu en ferais avec plus de temps pour l’apprivoiser. Les Aventures de Tom Sawyer  a aussi été très marquant pour l’aspect comédie, parce qu’il fallait êtresimple, assumer et articuler pour qu’on comprenne tout ce que je dis sans me cacher derrière une énergie Kenickienne. Ça a été un superbe exercice.
Toutes les premières fois sont marquantes : première télé, premier clip, première fois que j’ai chanté à Cats lorsque j’ai remplacé Mungojerrie, le lendemain de la première, sans répétitions, avec la meilleure partenaire au monde, Vanessa Cailhol (Moi aussi je suis Barbara ; Cats) . C’était incroyable, on a eu un fou rire parce que j’ai cassé des décors ! Les premiers shows à Disneyland Paris aussi, premières interviews, première salade de chèvre chaud, etc (rires).

L’avenir

What’s next en 2019 ?

Y.S.A. : Les 6, 7, 8 et 9 juin prochains auront lieu les derniers concerts des Funambules, où je chanterai. C’est un collectif monté par Stéphane Corbin (L’Hôtel des Roches Noires ; 31) qui regroupe beaucoup de gens de la comédie musicale et qui luttent contre l’homophobie. Tous les bénéfices de ces concerts seront reversés à l’association S.O.S. Homophobie. C’est un honneur de faire ces derniers concerts avec eux sur scène, parce que cela fait quatre ans que j’y assiste et que j’adore la plume de Stéphane Corbin.
Les 6 et 7 juillet prochains, je jouerai également dans West Side Story à l’Aren’Ice de Cergy. Le 6 est déjà complet ! C’est génial de travailler une partition et une danse aussi complexes issues d’un film que l’on a tous vu, et d’un show que j’ai fait à la kermesse de l’école. C’est un spectacle où la technique est au service de l’interprétation, une guerre d’ethnies avec des énergies très déchirées et en même temps très propres, très nuancées. On est 300 sur scène :  un orchestre, un groupe d’amateurs, les apprentis de l’AID (Académie Internationale de la Danse) et nous les “pros”.
Entre les deux, on prépare des surprises pour Les Trophées de la Comédie Musicale le 17 juin au Théâtre Edouard VII. Je vais devoir passer le flambeau… J’espère ne pas être détrôné dans la catégorie du discours le moins construit ! (Rires)

Et ensuite ? Yanis Si Ah dans quelques années ?

Y.S.A. : Je vais continuer d’apprendre. Et puis je vais faire en sorte d’assumer une nouvelle facette que je n’ai encore jamais montrée : ce que j’écris. Je suis très pudique avec ce genre de choses. Je m’en fous de montrer un bout de fesses, mais montrer mes émotions sans passer par l’intermédiaire d’un personnage, ce n’est pas pareil. J’écris beaucoup depuis que je suis tout petit, c’est mon besoin de créativité. J’écris des scénarii et beaucoup de chansons. Je commence seulement à les montrer à quelques personnes, et j’aimerais que ça devienne plus concret. Ce ne sera pas un truc énorme, mais je préfère que 100 personnes écoutent du « moi » plutôt que un million de personnes écoutent quelque chose de formaté par une maison de production. A part ça, je n’ai jamais eu de rêve précis. J’ai juste envie de faire plein de choses, de me sentir vivant, d’apprendre et de me surprendre. Oh si ! Si je ne faisais pas ce métier, je ferais Koh-Lanta (rires) !

 

 
Interview réalisée le 3 juin 2019 à Paris par Edmée Martin


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