Quand Jean-Paul Sartre devient un drame musical, cela donne une pièce originale où les genres se confondent dans une mise en scène intimiste, dérangeante et efficace ; à découvrir jusqu’au 11 novembre à la Folie Théâtre.
« L’enfer, c’est les autres »
Plongée dans la pénombre à la Folie Théâtre, un garçon surgit à la lueur d’une ampoule, qui nous invite à la découverte de trois personnages : Estelle, Ines et Garçin. « Il semblerait bien que j’ai quitté la Terre ferme, c’est dans ce lieu étrange que l’on m’enferme…, j’ai pourtant bien saisi qu’ici bas c’est l’Enfer » ; le ton est donné. Huis-Clos est à la base une pièce de Jean-Paul Sartre des années 40 qui est symbolique du mouvement littéraire du XXème siècle : l’existentialisme. On y retrouve ces trois personnages confrontés à leur propre mort dans un enfer où il n’y ni instrument de torture, ni flammes mais seulement le reflet de sa propre monstruosité dans le regard de l’autre. Chacun est le bourreau d’un autre et cela suffit à torturer ces âmes en peine. C’est avec ce point de départ que la compagnie « L’œuf ou l’humain » créée en 2021 a décidé de transformer ce récit complexe en drame musical, afin d’ajouter une nouvelle lecture et une nouvelle couleur à cette œuvre soixantenaire surtout connue de tous pour son ultime phrase « L’Enfer, c’est les autres ».
Autour de ces trois êtres en perdition se trouve un garçon (Valentin Santes), figure de l’enfer, qui est le garant de l’atmosphère musicale oppressante de la pièce. Tantôt à la guitare, au piano, aux percussions ou à l’harmonica, il ouvre et conclut cette pièce en étant un voyeur discret de la déchéance de ces damnés. 14 titres entêtants, enivrants, mystérieux qui reflètent petit à petit les maux des trois âmes qui se déchirent devant nos yeux. Ces compositions sont d’ailleurs sublimées avec l’ajout de violons sur la version studio que vous pouvez écouter ici. Un mélange de différents styles musicaux qui fonctionnent toujours avec leurs voix en harmonies qui se complètent magnifiquement.
quand les genres se confondent
La particularité de ce Huis Clos réside également dans le mélange des identités de genre des personnages. En effet, les problématiques d’un homme peuvent être incarnées par une femme et inversement donc le rôle de Garcin est interprété avec brio par la magnétique Pauline Auriol (Choeur à l’Horizon). D’un autre côté Estelle et Inès sont campées avec assurance par les hypnotiques Axel-Prioton-Alcala (qui nous avait déjà subjugué dans The Wild Party) et Pierre-Louis Sémézis (Je Suis Douce). Ce trio aussi captivant que talentueux est accompagné du compositeur autodidacte de la pièce, Valentin Santès, qui fait tout autant parti des enfers que nos personnages. Cette confusion des genres est une clé de plus pour perdre un peu les spectateurs dans les limbes et il faut avouer que la complexité de la pièce ne la rend peut-être pas accessible à tous. Cependant ces différents niveaux de lecture peuvent permettre à tout un chacun de piocher ici et là ce qu’il voudra bien comprendre, car n’y a-t-il vraiment qu’une vérité dans ce Huis Clos ? A vous d’aller y découvrir la vôtre et d’y faire un tour avec ce drame musical jusqu’au 11 Novembre à la Folie Théâtre de Paris.
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