Après un triomphe au National Theatre en 2018, Hadestown est de retour dans le West End depuis le début de l’année 2024 et compte bien cueillir le cœur de ceux qui n’auraient pas encore été envoutés par ses mélodies enchanteresses. Après avoir été conquis à Broadway et à Ottawa, qu’avons nous pensé de cette nouvelle production londonienne ?
« WAY DOWN HADESTOWN »
Le chemin vers Hadestown fut long pour sa créatrice Anaïs Mitchell dont la première version assez simple du spectacle fut créée il y a près de 20 ans, en 2006, dans la petite ville de Barre dans le Vermont avant une tournée dans d’autres états en 2007. Après un album concept en 2010, la comédie musicale prends forme grâce à la rencontre entre Anaïs et la réalisatrice Rachel Chavkin. Elle vont ensemble rajouter des dialogues, des chansons et présenter Off-Broadway en 2016 cette nouvelle mouture qui ne ressemble plus vraiment à ce qui a été fait 10 ans auparavant. Il faudra attendre 2018 pour que Londres accueille en avant-première la comédie musicale au National Theatre avec l’incroyable distribution qui foulera les planches de Broadway l’année suivante. Reeve Carney, Eva Noblezada, Patrick Page ou encore André De Shields, autant de talents qui incarneront avec perfection ces rôles aussi complexes que captivants. Alors qu’Hadestown cartonne toujours à Broadway avec de nouvelles têtes d’affiches, la comédie musicale revient pour la première fois à Londres depuis sa création avec une nouvelle distribution, quelques changements dans les paroles et dans un nouveau théâtre. Retour sur notre expérience londonienne en 2024.
de la nouvelle-orléans aux enfers
Qui aurait cru que revisiter le mythe d’Orphée et Eurydice à la sauce Jazz de la Nouvelle Orléans aurait pu être la recette du succès pour une comédie musicale ? Même si vous n’êtes pas familier avec cette histoire, Hadestown réussit le pari avec brio de simplifier tout cela grâce à une mise en scène efficace et une narration originale. Nous sommes au cœur des années 30 après de la Grande Dépression quand Hermès (Le Messager des Dieux) nous accueille sous un air de trompette avec les 3 parques (ou les Moires dans « Hercules », à ne pas confondre avec Emmanuel Moire NDLR). Elle nous présente alors les personnages de cette histoire dont on sait déjà qu’elle finira mal. Hadès, dieu des morts, dirige une mine souterraine en faisant travailler ses ouvriers sans relâche à la construction d’un mur (Toute ressemblance avec la réalité est bien évidemment fortuite). Il est marié à Perséphone, déesse des saisons, qui remonte à la surface pendant 6 mois afin d’apporter le printemps et l’été avant de redescendre aux Enfers. Sur Terre, on retrouve justement Orphée, poète et musicien qui passe l’intégralité de son temps à essayer de composer une chanson pouvant faire revenir l’été en l’absence de Perséphone. Il tombe rapidement amoureux d’Eurydice, pauvre jeune fille qu’Hadès aimerait bien ramener avec lui dans les Enfers…
C’est dans ce décor à mi-chemin entre la chaleur des enfers et le cuivre de la Nouvelle Orléans que nous allons vibrer avec les sept musiciens directement sur scène ainsi que la majorité des personnages évoluant sur cette grande plate-forme rotative aux multiples symboliques. Chaque détail est peaufiné afin de nous envoûter dès les premières notes de « Road To Hell », que ce soit des lumières aux chorégraphies en passant par cette mise en scène constamment en mouvement qui nous emmène tout doucement vers les Enfers avant de nous faire remonter à la surface. On accompagne les personnages en suivant Hermès dans cette romance vouée à l’échec mais qui néanmoins nous touche en plein cœur. Alors que la comédie musicale s’était faite connaître à Londres avec la distribution qui a conquis Broadway, Hadestown est de retour à Londres avec des parti pris qui pourront dérouter ceux qui ont l’habitude d’écouter les chansons avec les voix originales.
"WAIIIIIIIIIT FOR MEEEEEEE"
A l’instar d’Hamilton, il est toujours difficile de passer après une distribution qui a eu un immense succès et dont les voix ont été immortalisées sur les plateformes de streaming, mais c’est aussi la beauté de découvrir une nouvelle version des chansons et d’autre types d’interprétation. Force est de constater que malgré les talents indéniables présents sur scène, la distribution de Londres est un peu en deçà de ce que l’on pouvait espérer pour une reprise de ce spectacle désormais culte. Même si Mélanie Labarrie était incroyable dans & Juliet et qu’elle offre une belle incarnation d’Hermès, son timbre de voix est à des années lumières d’André De Shield qui avait remporté le Tony Awards pour ce rôle ; forcément ses chansons sont de ce fait un peu moins impactantes. Dónal Finn campe un Orpheus tout en douceur qui ne montre pas toujours suffisamment ses failles pour qu’on se connecte à lui même si son « Wait for me » reste un des moments forts du spectacle. Nous n’avons pas eu l’occasion d’applaudir Grace Hodgett-Young qui nous avait convaincu dans Sunset Boulevard mais Madeline Charlemagne qui a laissé le rôle de Parque pour offrir une Eurydice originale et vocalement irréprochable. Notre coup de cœur revient cependant à Gloria Onitiri campant une Perséphone charismatique, pleine de vie et d’émotions, sachant cueillir chaque personne dans le théâtre avec sa fougue communicative. Malgré toutes les qualités de cette nouvelle distribution, il manque ce petit quelque chose en plus faisant que la magie opère à 100% même si Hadestown reste une œuvre dont le livret et les musiques envoûtantes d’Anaïs Mitchell font partie de ce qu’il y a de plus beau à entendre sur le West End en ce moment.
Si vous n’avez jamais eu l’occasion de faire une petite descente aux Enfers, dirigez vous vers le Lyric Theatre qui vous accueillera les grands bras ouverts pour une soirée aussi touchante que puissante. Mais « n’attendeeeeeeeeeeeeeez pas » le dernier moment pour réserver vos places, car pour passer les portes des enfers, pas de bons plans ou de réductions mais un seul mot : anticipation. Il faut prévoir votre voyage en amont pour Hadestown car les Dieux ne gardent ici pas de place pour descendre en dernière minute.
Crédit Photos : Mrs Doubtfire UK
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