Les quelques dates de ce spectacle en 2022 n’avaient pas permis à Musical Avenue de le chroniquer. De retour à l’Azimut d’Antony pour 2 représentations, nous nous sommes empressés d’aller découvrir ce spectacle multi-nommé aux Trophées de la Comédie musicale 2022.
Pouchkine en 2022
En ce vendredi après-midi, des classes de collégiens se regroupent devant le Théâtre Firmin Gémier/Patrick Devedjian pour une représentation de Songe à la Douceur. Les conversations battent leur plein encore après que les lumières de la salle ne se soient éteintes mais elles se taisent dès que retentissent les premières notes de musique. Six comédiens-musiciens apparaissent sur scène. Rachel Arditi incarne la narratrice. Elle va nous raconter l’histoire de Tatiana et Eugène.
Ces deux noms vous sont familiers ? Rien de surprenant. Il s’agit de ceux des deux grands héros pouchkiniens de l’œuvre la plus célèbre de la littérature russe : Eugène Onéguine. L’histoire de cette œuvre a très tôt mêlé musique et poésie : en effet, en 1978, Tchaïkovski compose un opéra autour du poème de Pouchkine, resté lui-aussi dans les mémoires.
En 2016, Clémentine Beauvais s’empare à son tour de cette histoire pour lui donner une nouvelle actualité. Cette fois, Tatiana, Eugène, Olga et Lenski sont des adolescents dans la banlieue parisienne qui expérimentent l’amour le temps d’un été qui tourne au drame. Dix ans plus tard, Eugène et Tatiana se croisent dans le métro. C’est le point de départ de cette narration qui mène en parallèle le présent des retrouvailles et le souvenir de cet été.
Poésie et musique
Il fallait être audacieux pour s’attaquer à Eugène Onéguine. Clémentine Beauvais aborde l’œuvre sous le prisme du désir adolescent naissant. Elle traduit la poésie de Pouchkine dans un langage contemporain, sans détour ou euphémisme sur les sentiments qui animent les personnages. Justine Heynemann s’est ensuite emparée de cette œuvre pour la mettre en scène et en musique.
Ainsi, le livret mêle des dialogues parlés dans un langage courant et des chansons toutes en poésie, un mélange qui, contre toute attente, fonctionne magnifiquement. La musique qui accompagne ces textes mêle électro et pop rock. Elle est interprétée en partie en live par des claviers, une guitare électrique et une petite batterie joués par les comédiens eux-mêmes. On reconnaît, aux détours de certains airs, des mélodies de l’opéra de Tchaïkovski sur lesquels Manuel Peskine a composé des variations contemporaines.
Le chant donne à chaque interprète l’occasion d’exprimer ses sentiments lorsque les mots ne suffisent plus, d’exprimer sa passion, son trouble, sa colère ou sa joie comme dans toute bonne comédie musicale.
La scénographie est belle : quelques praticables recouverts de pelouse, des fleurs de métal, des pétales ou papillons de papier, et un éclairage comme un sous-bois au matin campent un décor tout en poésie et délicatesse. A l’image de tout le spectacle qui porte bien son titre de Songe à la douceur.
Une remise au goût du jour réussie
Pour un spectateur qui connaît l’histoire d’Eugène Onéguine, on attend avec impatience la mort de Lenski ou le dénouement de l’histoire, les deux grands rebondissements du récit. Clémentine s’en amuse et joue avec les attentes du public pour repousser ces moments. Cela est toujours risqué mais le résultat fonctionne à merveille : la mort de Lenski demeure à la fois fidèle à l’intention initiale du texte de Pouchkine tout en la rendant plus crédible dans un contexte contemporain.
Ce n’est pas la seule actualisation réussie de l’œuvre initiale. Eugène, joué par Benjamin Siksou (Les Souliers Rouges), apparaît ici comme moins froid et impassible, Tatiana (Charlotte Avias) moins réservée et naïve, Olga (Manika Auxire) moins passive et Lenski (Valérian Béhar-Bonnet) plus passionné, ce qui donne également davantage de naturel aux sentiments des personnages et une identification plus simple des spectateurs d’aujourd’hui. Les six artistes offrent une interprétation sensible et juste autant que convaincante. La présence d’une narratrice ajoute un potentiel comique inattendu dans ce drame musical. Les spectateurs se surprennent à rire à plusieurs reprises devant la niaiserie de l’amour adolescent, drôle sans être ridicule.
La véritable modification par rapport à l’œuvre originale demeure cependant son dénouement : un choix osé mais pour lequel Clémentine Beauvais choisit de laisser une ambiguïté nouvelle qui ne dénature pas pour autant l’œuvre source du spectacle.
Au long de la représentation, le public s’esclaffe, retient son souffle ou tape dans ses mains en rythme. En sortant de la salle, on peut entendre les collégiens dire : « wesh, mais c’était trop bien ! » ou « tout était parfait, TOUT ». Ces commentaires d’un des publics les plus exigeants sont sans doute le plus grand signe de la réussite. Ce spectacle réussit un pari osé : remettre Pouchkine au goût du jour et toucher les plus jeunes générations.
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