Beaucoup de (jeunes) enfants étaient présents en ce samedi après-midi pour découvrir Victor vers le Futur. À défaut d’une DeLorean (parce que c’est déjà pris!) nous avons opté pour un électroménager hors du commun pour voyager dans le temps et en musique. Soyez prêt à vivre une aventure pas comme les autres.
Un remake, une création, un hommage, tout cela à la fois
L’intrigue est plutôt simple sur le papier : Victor, adolescent espiègle et impétueux, commet une bêtise aux conséquences inattendues. Campé sur ses positions, et une chose en entraînant une autre, il se retrouve à remonter le temps dans un frigo (équipé d’une intelligence artificielle avec option « blague ») pour changer le cours de sa vie. Mais bien sûr, rien ne se passe comme prévu, et il va apprendre bien plus sur lui-même et sur l’importance de la famille qu’il ne l’aurait imaginé.
Toute ressemblance avec la trilogie cinématographique Retour vers le Futur est absolument volontaire! Que ce soit les mélodies, les sonorités cuivrées qui évoquent immanquablement les entêtantes intonations musicales du film et qui sont dans notre inconscient culturel, les costumes et les visuels (jusque dans le logo sur l’affiche), l’hommage parodique au film des années 1980 est indéniable. Pour autant, Victor vers le Futur n’est pas un copier/coller et trace sa propre histoire originale, avec des personnages inventés pour l’occasion.
Après une ouverture très prometteuse et bourrée d’énergie sur une musique qui reste dans la tête, la famille de Victor nous raconte ses problèmes et soucis financiers. Ce passage, s’il a le mérite de présenter les personnages, s’étire en longueur pour un problème assez simple, et ralentit le rythme d’origine. Heureusement nos inquiétudes se dissipent avec l’arrivée de Mlle Blèche. Nicolas Grand Duc campe ce personnage à la perfection, provoquant l’hilarité générale de la salle dès l’ouverture du rideau sur cette femme qui pourrait être la nièce du duo comique des Vamps et de Maria des Bodin’s, avec un soupçon de la sorcière de Blanche Neige. Ce cocktail détonnant pourrait être déstabilisant, il n’en est rien cependant tant l’acteur maîtrise les mimiques et les nuances de voix, donnant toute la puissance comique à ce personnage très second degré. Mlle Blèche dynamise l’histoire, et fait le lien avec Paul, le réparateur-inventaire du frigo à voyager dans le temps. Avec ce personnage, on plonge à cent pour cent dans l’univers de Retour vers le Futur.
C’est une déferlante de références au film qui vous attend, certaines évidentes, d’autres beaucoup plus subtiles, dissimulées au travers d’accessoires, d’éléments de décors ou de petites phrases. Si vous êtes fin connaisseur, vous apprécierez d’autant plus tous ces détails, qui sont un véritable hommage attendrissant et plein de nostalgie au film de toute une génération.
Quant au personnage de Paul, c’est une sympathique réinterprétation de Doc que nous propose Guano (La folle histoire du Petit Chaperon Rouge, Mission Merlin). Que ce soit par les intonations, le physique ou l’attitude, Paul pourrait sans problème être un cousin d’Emmett Brown. Ce personnage plein de surprises apporte beaucoup à l’histoire, sur tous les plans, en portant lui aussi ses secrets qui vont percuter ceux de Victor. Il offre une vision très adulte de la situation, captant l’attention des parents, et alterne avec l’attitude du savant excité par son invention, comme un enfant devant ses cadeaux de Noël. On s’attache très vite au duo formé par Paul et Victor. Tom Almodar (Le Livre de la Jungle, Pirates : le destin d’Evan Kingsley) lui donne toute la fougue et l’impétuosité de la jeunesse, et ne ménage pas ses efforts pour occuper la scène, sautant, dansant et chantant avec aisance. Autour d’eux, les parents et la sœur de Victor semblent un peu plus effacés mais prendront de l’importance lors du deuxième acte. Ils participent aux ensembles de danse et assurent la cohérence du scénario.
Un goût affirmé pour la comédie musicale anglo-saxonne
Victor vers le Futur peut se vanter de faire la part belle à tout ce qui peut caractériser une comédie musicale. On retrouve – avec plaisir – de grandes orchestrations pour les musiques, ainsi qu’un medley des airs du premier acte pour ouvrir le second après l’entracte, comme cela se fait Outre-Manche. Dominique Mattei (Robin des Bois, Le voyage extraordinaire de Jules Verne, Les Coquettes) signe une partition calibrée pour ancrer les mélodies dans nos mémoires. Les chansons sont très variées, avec des styles musicaux hétéroclites, pouvant aller d’un tango à des ambiances latines, en passant par du gospel, mais qui plairont au plus grand nombre pour suivre l’histoire. Des bandes sonores accompagnent les mises en scène, parfois disparates. On ressent une volonté de toujours surprendre le public avec des propositions très différentes, mais l’on peut parfois être un peu dérouté face à ce foisonnement. Reconnaissons que l’ensemble est cohérent et très plaisant, le jeune public réagit avec délice aux interactions proposées par Paul et Mlle Blèche, appréciant ces divertissements successifs.
La justesse vocale de chaque artiste n’est plus à démontrer, leur expérience de la scène leur donne une assise solide pour mener le spectacle sans fausse note. On bascule de la joie légère à l’émotion poignante, notamment lors du trio entre Paul, Victor et Clara dans le second acte, qui touche en plein cœur. Les chorégraphies, sans être inédites, sont conçues avec intelligence pour occuper l’espace scénique et créer une dynamique de groupe irrésistible sur le plan visuel. Les tableaux qui regroupent les huit artistes sont un vrai plaisir.
Comme rien ne semble avoir été oublié, la scénographie et les décors de Victor vers le Futur ont été étudiés avec minutie. Ils jouent un rôle majeur dans l’immersion du public. Les projections vidéos, utilisées avec discernement, enrichissent les ambiances lumineuses, avec en point d’orgue les moments de voyage dans le temps, projetés sur un rideau servant d’écran prenant toute la dimension de théâtre.
Ces instants évoquent inévitablement ce que l’on peut retrouver à Londres avec la comédie musicale Back to the Future. En parallèle, les décors physiques reçoivent également une attention particulière. L’atelier de Paul, par exemple, regorge d’objets caractéristiques de notre époque actuelle, tandis qu’après le voyage dans le temps, le public est ramené à la décennie des années 1990, lorsque les ordinateurs ressemblaient à de « grosses boîtes moches », comme l’exprimait un jeune spectateur de la génération Alpha présent dans la salle, assis non loin de nous. Ce souci du détail est un atout majeur, et le mariage réussi de tous les marqueurs propres à une comédie musicale confère une grande authenticité à ce spectacle.
Jeff Panacloc et Charlotte Bizjak tapent dans le mille avec l’écriture de ce premier spectacle musical, qui s’inscrit dans la grande ligne des divertissements familiaux réjouissant autant les enfants que leurs parents, sans renier les références à l’univers des comédies musicales. Ce voyage temporel et nostalgique, entre souvenirs d’une époque, rires et émotions, nous a fait passer un merveilleux moment, tout comme les musiques qui sont à découvrir sans attendre. Victor vers le Futur a tous les ingrédients des shows que l’on aime, faisant de ce spectacle un incontournable de cette saison.
Crédit photos : © Rubenshazon
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