Critique : "Lysistrata Jones" au Walter Kerr Theatre

Temps de lecture approx. 6 min.

Critique : "Lysistrata Jones" au Walter Kerr TheatreAux États-Unis, on dit que les années fac sont synonymes de prise de poids, à force de se gaver de sodas, de sucreries et de féculents. Heureusement, les comédies musicales drôles et pétillantes n’ont pas les mêmes résultats, et ont plutôt tendance à faire tourner la tête pour notre plus grand plaisir.
Lysistrata Jones, une nouvelle comédie musicale kitsch et légère, pourrait même vous mettre la tête à l’envers comme une pom-pom girl qui fait un salto.

Lysistrata Jones, une étudiante nouvellement arrivée à l’Université d’Athens, veut motiver l’équipe de basket-ball de son université à remporter un match après 30 ans de défaites consécutives. Elle forme une équipe de pom-pom girls qui font un pacte et vont arrêter d’avoir le moindre rapport sexuel jusqu’à ce que leurs petits copains de l’équipe de basket se démènent et changent la donne de l’équipe.
Malgré un livret décevant [NDLR : basé sur la comédie Lysistrata d’Aristophane], les douze artistes de la troupe brillent avec d’excellentes performances et des numéros musicaux explosifs.

"Lysistrata Jones" au Walter Kerr Theatre

Le maillon faible est le texte de Douglas Carter Beane. Pour un auteur de théâtre rompu à l’écriture de livrets de comédies musicales, qui a offert quelques unes des comédies les plus marquantes du théâtre américain (Xanadu ; The Little Dog Laughed), Beane tombe à côté de la plaque avec des plaisanteries faciles qui versent dans presque tous les stéréotypes de la culture américaine : athlètes machos, majorettes écervelées, rats de bibliothèques maladroits, geeks introvertis, et ainsi de suite. Il parvient rarement à faire sortir ses personnages de ces clichés, de telle sorte qu’ils semblent souvent simplistes.
Parfois, Beane étend ses références à la culture populaire telles que l’application Siri pour iPhone, mais ces tentatives n’arrivent pas à élever le niveau au-delà d’un High School Musical au pays des fraternités d’étudiants.

Star montante de Broadway, Patti Murin (Xanadu), qui a le charme naturel et la confiance d’une professionnelle chevronnée, brille au milieu de cette Université d’Athens fictive. Sa voix remplit le Walter Kerr Theatre avec un son doux mais puissant, correspondant parfaitement à cette jeune blonde qui était réellement pom-pom girl à l’Université de Syracuse.
Murin va au-delà de l’écriture stéréotypée de son personnage et présente une héroïne bien campée qui montre vulnérabilité, peur, détermination, et surtout un instinct de meneuse qui inspire ceux qui l’entourent.

"Lysistrata Jones" au Walter Kerr Theatre

Le mentor de Lyssie tout au long du spectacle est Hetaira, sorte de chœur grec constitué d’une seule femme interprétée par Liz Mikel dont ce sont les débuts à Broadway. Mikel provoque quantité de rires, mais son atout majeur est sa voix robuste, au sommet dans la chanson funky "I Don’t Think So".
Inversement, Mick, le petit ami de Lyssie, conteste son activisme. Avec son arrogance et son attitude de laisser-faire, Josh Segarra fait également ses débuts à Broadway de façon très remarquée, particulièrement en regard de l’écriture monotone de son personnage. Ses talents de danseurs et sa voix douce lui donnent une allure de boys-band parfaitement adaptée à son rôle de capitaine de basket universitaire.

Sur le chemin, Lyssie rencontre les deux personnages les plus intéressants du spectacle : l’aide bibliothécaire Robin (Lindsay Nicole Chambers) et le blogueur engagé Xander (Jason Tam), tous deux geeks sur les bords. Chambers (Legally Blonde ; Hairspray) et Tam (A Chorus Line) excellent et les scènes de Murin avec chacun d’eux sont les meilleures de la pièce.

L’ensemble, constitué de joueurs de basket et de pom-pom girls, offre des performances enthousiastes en dépit d’un texte sans profondeur. Ils arrivent tout particulièrement à faire des numéros musicaux dansés les moments forts du spectacle, enchaînant les succès les uns après les autres.
La partition, drôle et électrisante, contient des hymnes au girl-power tels que "No More Giving It Up" qui rappelle les Spice Girls, surtout quand la troupe porte des uniformes de pom-pom girl sémillants et des tenues de combat sexy conçus par David C. Woolard et Thomas Charles LeGalley .
Chorégraphe habitué de Broadway, Dan Knechtges (The 25th Annual Putnam County Spelling Bee ; Xanadu) fait ses preuve pour ses débuts en tant que metteur en scène avec des numéros de danse vertigineux qui donnent le sourire, complétés par des jeux de jambes, dribbles et passes rapides inclus aux chorégraphies. Si les numéros de danse ne vous donnent pas la banane, rien d’autre à Broadway ne le fera.

"Lysistrata Jones" au Walter Kerr Theatre

De vrais paniers de basket et un plancher en bois ajoutent à l’authenticité de la scénographie, bien qu’on reste en deçà du Gym at Judson, un véritable gymnase où le spectacle a fait ses débuts avant Broadway. Le décor à deux niveaux d’Allen Moyer est presque conçu comme une maison de poupées grandeur nature inspirée par l’université – le groupe en haut, l’action au-dessous – et l’éclairage jeune et éclatant de Michael Gottlieb est digne des plus grands.

Lysistrata Jones est un joli assortiment de ce que Broadway a de meilleur, qu’un livret décevant empêche d’exploiter complètement son potentiel. Sous prétexte de faire de la comédie absurde, un spectacle n’a pas besoin de s’appuyer sur des blagues de mauvais goût.
Au milieu de tous ses effets de manche, Douglas Carter Beane devrait incorporer un peu plus de substance, car on ne se retrouve au final qu’avec une indigestion qui laisse un goût trop sucré dans la bouche.

[Lire la version originale de cette critique]

Crédit photo
s : Joan Marcus


Lysistrata Jones

Jusqu’au 8 janvier 2012
Au Walter Kerr Theatre – 219 W. 48th Street à New York

Durée : 2h10 avec un entracte de 15 minutes.

Livret : Douglas Carter Beane ; paroles et musique : Lewis Flinn ; mise en scène et chorégraphies : Dan Knechtges ; scénographie : Allen Moyer ; costumes : David C. Woolard et Thomas Charles LeGalley ; lumières : Michael Gottlieb ; son : Tony Meola ; coiffures : Mark Adam Rampmeyer.

Avec : Patti Murin (Lysistrata Jones), Liz Mikel (Hetaira), Josh Segarra (Mick), Jason Tam (Xander), Lindsay Nicole Chambers (Robin), Alexander Aguilar (‘Uardo), Ato Blankson-Wood (Tyllis), Katie Boren (Lampito), Kat Nejat (Cleonice), LaQuet Sharnell (Myrrhine), Teddy Toye (Harold), Alex Wyse (Cinesias).

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