Portrait : la bonne étoile d’Adrien Fruit

Temps de lecture approx. 9 min.

Avant d’incarner le rôle de Ziggy dans la nouvelle version de Starmania mise en scène par Thomas Jolly, actuellement en tournée dans toute la France, Adrien Fruit a vécu plusieurs vies. Avec, toujours en ligne de mire, la musique et l’envie de pouvoir enfin faire de sa passion son métier.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les planètes se sont alignées pour Adrien Fruit. Celles-là même qui, d’une manière assez inattendue et quasi mystique, constituent aujourd’hui une anecdote qu’il raconte en souriant : « Ce tatouage-là, je l’ai fait faire à Amsterdam avec une amie pour mes 30 ans », explique-t-il en montrant la planète Saturne représentée sur son bras. « A ce moment-là, il n’avait aucune signification. Or, il se trouve que ce dessin est exactement le même que celui de la pochette de la version 1981 de Starmania au Québec. Lorsque Thomas Jolly l’a vu pendant les workshops, il m’a attrapé le bras et a juste dit : « c’est drôle… ». Une heure plus tard, j’ai su que je passais à l’étape suivante. » Et lorsqu’il apprend qu’il décroche définitivement le rôle de Ziggy dans la nouvelle version de Starmania, nous sommes un 8 septembre… jour de la Saint Adrien.

Les projecteurs comme revanche

Mais avant de mettre toute son énergie et son côté solaire pour incarner ce « garçon pas comme les autres » depuis novembre 2022, le chemin a été long pour celui qui dit avoir baigné dans la musique très tôt. « Mon père était fan de rock et m’a d’ailleurs donné Chuck comme deuxième prénom, en hommage à Chuck Berry » raconte Adrien, amusé. « Ma mère, elle, était plutôt variété française et me faisait écouter France Gall, Michel Berger et Daniel Balavoine dans la voiture. » A l’âge de 11 ans, il se produit pour la première fois sur scène lors du spectacle de fin d’année de son collège situé à Couhé, dans la Vienne, dont il est originaire. « Comme c’était l’époque de l’arrivée de tous les télé-crochets en France, ils avaient organisé un concours appelé « La Star Academy du collège ». J’ai chanté « Maniac », de la comédie musicale Flashdance, et j’ai gagné le concours. » 

A ce moment-là, il décide de prendre des cours de chant, de piano et de guitare qu’il arrêtera toutefois peu de temps après, faute d’assiduité. « J’étais le pitre de service ; il fallait toujours que je fasse rire les gens et que je sois le centre de l’attention », sourit-il. « Aujourd’hui, je regrette un peu de ne pas m’être assez investi et formé plus tôt au solfège. » Heureusement, sa mère est un soutien précieux qui ne cesse de l’encourager. « On ne roulait pas sur l’or mais elle a toujours fait en sorte que je puisse m’épanouir et profiter de ma passion sans contraintes financières. C’est d’ailleurs elle qui, alors que je venais tout juste d’avoir 16 ans, m’a inscrit au casting de la Nouvelle Star en 2007 et m’a amené passer l’audition à Bordeaux. » Même s’il ira jusqu’à l’épreuve du théâtre, Adrien l’avoue : à ce moment-là, le côté strass et paillettes prend le pas sur la dimension artistique… Mais celui qui confie avoir subi du harcèlement scolaire tient enfin sa revanche. « A partir du moment où je suis passé à la télé, les regards ont changé », explique-t-il. « Le problème ne venait pas de ma sexualité – ça a toujours été un non-sujet –, mais plutôt de mon physique androgyne et de ce que j’étais, tout simplement. »

Crédit photo : DylanPaulRoger

En 2009, son CAP coiffure en poche – ses parents ont insisté pour qu’il ait un diplôme –, Adrien met le cap sur Paris et intègre l’école Richard Cross. Mais à l’issue de sa formation, les réalités financières le rattrapent et le poussent à intégrer un groupe de restauration rapide où il passera très vite manager, avec deux enseignes parisiennes à gérer. Nous sommes alors en 2011 et un nouveau concept venu tout droit d’Angleterre fait son apparition sur les écrans français : l’émission X Factor, qui venait de révéler outre-Manche le groupe One Direction. Adrien passe les auditions et, avec 4 autres candidats, fera partie du groupe Seconde Nature, créé dans l’optique de marcher dans les pas de son homologue anglais. Éliminé aux portes de la demi-finale, le groupe explose 2 mois plus tard. « Une fois les lumières éteintes, on nous a laissés tomber et chacun a repris sa route », regrette celui qui devient alors responsable des caisses chez Zara puis chez Sephora sur les Champs-Elysées jusqu’en 2017. A cette même période, il monte un groupe avec deux amis, Mon cœur fait boum, et se rend au festival de Coachella en Californie. Là-bas, il assiste à plusieurs concerts et prend conscience de son envie de faire son chemin seul. « J’ai su que c’était ça que je voulais faire : défendre mes chansons et mon propre univers ». Le déclic est tel qu’à son retour en France, il quitte son travail, son groupe, et sort un premier EP en solo intitulé « Vertige ».

De Ziggy à Cupidon

Mais le succès peine à arriver. En 2019, il devient hôte de caisse chez Chanel avant que la crise sanitaire ne vienne tout chambouler. Autant dire que lorsque son meilleur ami Mehdi l’appelle début 2021 pour l’inciter à passer les auditions de la nouvelle version de l’opéra rock Starmania, Adrien n’y croit plus. « L’envoi des vidéos était terminé depuis une semaine, mais j’ai quand même fini par tenter ma chance. Ils m’ont rappelé dès le lendemain. » A partir de là, l’artiste sent que sa vie est sur le point de prendre un tout autre tournant. « Pour la première fois, je me suis senti confiant et en phase avec moi-même », explique-t-il. Pourtant, de Starmania, il ne connaissait que les quelques chansons que sa mère lui avait fait écouter, pas la globalité de l’album, et encore moins l’histoire qu’il a découverte en visionnant la version de 1989 sur YouTube juste après la première audition. « Grâce à ça, je me suis peut-être moins mis la pression », glisse-t-il. « De manière générale, la comédie musicale ne faisait pas vraiment partie de mon univers, peut-être à cause de l’image un peu cliché véhiculée à l’époque par toute la vague des spectacles français des années 2000. » Maintenant qu’il fait partie de la grande famille de la comédie musicale, Adrien dit avoir changé de point de vue et parle d’ailleurs avec enthousiasme de Mamma Mia, Le Roi Lion ou encore Spamalot, des spectacles qu’il a découvert récemment. « J’ai beaucoup d’admiration pour tous ces gens que je vois sur scène, notamment Christine Bonnard que j’ai trouvée fascinante dans Mamma Mia », indique-t-il.

Lui, dit pourtant ne pas se sentir encore tout à fait légitime dans cet univers. « Je suis là parce que c’était Ziggy », glisse-t-il simplement. « Je me suis tout de suite approprié le personnage. Thomas Jolly s’est adapté à nous sans nous obliger à quoi que ce soit, et on se fait confiance mutuellement. C’est là qu’est tout son génie ; avec Thomas, même au bout de 2 ans, on peut encore créer et proposer de nouvelles choses sans être bridés. Nos rôles évoluent avec nous. » Un gros travail de dramaturgie sur le personnage a notamment été fait par l’interprète… qui ne manque pas d’en brosser un portrait peu flatteur. « Ziggy, c’est l’un des pires personnages du spectacle. Il n’hésite pas à laisser tomber ceux qui l’aiment et à marcher sur tout le monde pour arriver à ses fins. Je l’assimile beaucoup au phénomène des réseaux sociaux et à la course aux « likes » et à la popularité qui fait souvent faire n’importe quoi : dans le premier acte, il dit « je veux être un danseur de rock » et au final, il devient un disc-jockey « fonctionnaire du disco ». Il est clairement instable, et seule la gloire l’intéresse. Je pense que ce que Luc Plamondon a voulu démontrer au travers de ce personnage, c’est qu’à trop vouloir chercher la gloire et les paillettes au détriment de la sincérité, on finit par se brûler les ailes. »

Crédit photo : Kriss Logan

Pas question pour autant de délaisser sa propre musique ; le 31 mai prochain sortira d’ailleurs son prochain titre, « Cupidon », qu’Adrien décrit comme un « hymne au célibat et à la résilience de l’amour ». Suivront ensuite « Danser le soleil », « Dans le noir » et « Paradis », des titres aux sonorités pop-électro qu’il a choisi de sortir au compte-goutte. D’une part, car ils sont la suite logique du premier, mais aussi pour contourner l’aspect trop marketing qui fait rage actuellement dans l’industrie musicale. « Avant, lorsqu’on achetait un CD, on avait un attachement presque charnel à l’objet. Aujourd’hui, on est uniquement sur du flux », déplore-t-il. Ses inspirations pour ces 4 titres vont de Michael Jackson à The Weeknd, en passant par… Michel Berger et Daniel Balavoine. « Mon vécu sur Starmania imprègne forcément ma musique car j’entends ces chansons tous les soirs. Inconsciemment, ça m’a sûrement guidé. »

D’ailleurs, Adrien compte bien poursuivre l’aventure Starmania au moins jusqu’en janvier prochain, pendant toute la deuxième tournée qui reprend ce mardi 14 mai à Toulouse et passera notamment par le Canada cet été (dates à retrouver ici). « Cela se terminera pour moi lorsque je n’aurai plus l’envie et que j’aurai fait le tour de mon personnage », indique-t-il. « Nous sommes là pour donner du plaisir au public, malgré l’histoire sombre de Starmania. Il faut le respecter. » Pour l’heure, Adrien savoure et l’admet lui-même : difficile de s’ennuyer lorsque l’on joue dans un tel spectacle. Travailler d’autres rôles, comme celui de Johnny Rockfort, pourrait même l’intéresser. Mais c’est bel et bien pour son personnage de Ziggy qu’il a reçu le trophée du meilleur second rôle masculin lors de la dernière cérémonie des Trophées de la Comédie Musicale qui s’est tenue le 12 juin dernier au Casino de Paris. « Peu de temps avant, je m’étais dit « pourquoi pas moi ? » Mais le soir-même, en voyant tous ces gens talentueux, j’ai presque eu une sorte de syndrome de l’imposteur », raconte-t-il. « Je suis extrêmement flatté de cette récompense, qui est pour moi la preuve même qu’il ne faut rien lâcher. La vie est pleine de surprises, et il faut profiter à fond des opportunités qu’on nous offre. » Suivre son étoile, en somme… qu’elle soit celle de Starmania ou une autre.

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Chloe Enkaoua

J'ai trois passions dans la vie : les voyages, les romans de Stephen King et les comédies musicales. En grandissant au milieu de quatre grandes sœurs, j'ai été biberonnée aux films musicaux, de "Hair" à "The Chorus Line" en passant par "West Side Story", "Grease" et "Fame". Depuis 2008 et mon arrivée à Paris pour exercer le métier de journaliste, j'écume les salles de spectacles pour y découvrir les nouvelles comédies musicales à l'affiche. Et lorsque je le peux, celles de Broadway et du West End également !
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