Idina Menzel (faut-il la présenter ? elle est Maureen dans Rent, Elphaba dans Wicked, et responsable du ‘Libérée Délivrée’ de La Reine des Neiges en VO), de retour au Nederlander Theatre dans une comédie musicale, on ne pouvait pas manquer ça ! Et pourtant… Il y avait peut-être mieux à voir, finalement, même si faire l’impasse sur le retour de cette géante de la scène musicale aurait semblé blasphématoire. Petit aperçu de Redwood, une pièce ni réussie, ni ratée, juste sans saveur.
C’est le cœur battant que l’on franchit les portes du Nederlander Theatre où siégea, des années durant, le musical Rent, celui-là même qui fit d’Idina Menzel une star. Mais ici, point de décor fauché en bouts d’échafaudages : c’est très moderne – et assez ironique, en regard du thème écolo de la pièce (‘redwood’ signifie « séquoia » en anglais). Des néons, des écrans (beaucoup d’écrans), voilà à peu près tout ce que la scène a à offrir… si ce n’est un immense tronc de séquoia, que l’on découvrira par la suite, et qui permettra, il faut le reconnaître, des scènes et acrobaties assez plaisantes.
Redwood, c’est l’histoire de Jesse (Idina Menzel) une quadra speed et citadine soudainement prise du besoin de s’éloigner du tumulte new-yorkais et de sa compagne Mel (De’Adre Aziza) avec laquelle les choses semblent ne pas aller très fort. Elle se met donc à conduire, aveuglément, jusqu’à se retrouver de l’autre côté du pays, en Californie, au milieu d’une forêt de séquoias. Émerveillée par la beauté et le calme de la nature, elle s’endort… et rencontre à son réveil deux botanistes spécialistes (et excellents grimpeurs) de séquoias : Becca (Khaila Wilcoxon) et Finn (Michael Park). À leur contact, elle découvre les spécificités -joliment, mais lourdement métaphoriques – de ces arbres géants qui ont, par exemple, besoin d’entrelacer leurs racines pour se maintenir debout…, et décide de rester, pour tenter d’escalader l’un d’entre eux avec l’aide de ses nouveaux amis.
La pièce commence à voir le jour dès 2005, lorsqu’Idina Menzel contacte Tina Landau (Floyd Collins, SpongeBob SquarePants) pour écrire un spectacle original qui flatterait ses aptitudes vocales, et ferait la part belle à son amour de la nature. Le projet reste dans les tiroirs (en bois ?) jusqu’au confinement, pendant lequel Tina Landau se lance dans l’écriture de trois versions d’une pièce partant d’un même postulat : une femme dans un arbre. Reste à déterminer les raisons pour lesquelles elle s’y trouve…
Idina voltige, mais ça ne décolle pas
Redwood, c’est le parcours initiatique de cette femme, moderne, engagé, parfois sympathique mais manquant cruellement de rythme et d’intérêt. On profite néanmoins de quelques jolies scènes, notamment lorsque Jesse décide de passer la nuit sur une plateforme à des dizaines de mètres du sol, et y saisit l’occasion de faire plus ample connaissance avec Becca (beau moment de jeu et de chant que nous offre Khaila Wilcoxon). Accordons à la pièce qu’elle aborde des sujets inédits pour une comédie musicale de Broadway, même s’ils ne captivent pas : souvent trop convenus (Jesse tente en s’éloignant d’échapper à un trauma au classicisme décevant) ; parfois intéressants mais survolés – la mention de l’activisme de Becca – ; parfois terriblement actuels : la seule séquence où l’on s’éveille un peu, la menace imminente d’un feu de forêt, résonne particulièrement aujourd’hui, après la catastrophe qui a touché Los Angeles en début d’année…
Rien à redire sur l’interprétation, les acteurs sont tous très justes. Idina Menzel, charmante Jesse, dépense de toute évidence une énergie astronomique sur scène ; il faut la voir voltiger sur son séquoia et chanter la tête en bas, à 4 mètres du sol, comme pour surpasser l’impressionnant final de ‘Defying Gravity’ de Wicked !
Malgré ce morceau de bravoure, quelques pirouettes sympathiques et un ou deux effets réussis, on reste moyennement emballés par l’histoire. C’est assez plat, très américain, rempli de bons sentiments. Les paroles et la partition pop rock, simple, sans surprise ni réelles envolées à une ou deux exceptions près, sont oubliées sitôt qu’elles sont entendues. Redwood vaut donc avant tout pour la présence d’Idina Menzel, dont on attend – un peu en vain – les prouesses vocales. Pas sûr que sans elle, le spectacle ait un véritable intérêt puisque même avec elle, il n’est pas évident… Peut-être avons-nous, il est vrai, un cœur aussi dur que celui des séquoias… Rien ne vous empêche de vous faire votre idée, si d’aventure vous passez du côté de la 41st rue de Manhattan en ce mois de mai !
